21.10.22

Métastase,
étymologiquement
« changer de place »

Mais tata,
étonnamment
plus rien ne bouge

14.10.22

Il ne couvrait pas suffisamment les yeux de ceux qui le regardent ; laissait apparaître la racine des cheveux et l’implantation du mâle. « Elle portait mal son voile » : à bout de bras ?

Auréolée d’une ring light – achetée d’occasion pour presque rien grâce au suicide de la précédente propriétaire, harcelée pour pas grand-chose –, elle dessine ses lèvres pour mieux les ouvrir. Au programme ce matin, CHIT CHAT HIJAB + ASTUCES JETLAG. (Le titre de la vidéo, toujours, en majuscules. Pour la visibilité et les likes.)

Sans trembler, elle trace près des cils deux virgules, censées agrandir son regard. L’encre ultra-black s’échappe d’un eyeliner cruelty-free. Des yeux de chat sans cruauté ; pas waterproof, autrement qui aura la preuve de ses chaudes larmes ?
Et d’embrasser le retour caméra en se coupant une mèche d’extensions synthétiques à l’aide de ciseaux cranteurs.

« Elle avait 22 ans : elle n’en aura jamais 23 », titre le journal soucieux de bien se faire comprendre : rien, ici-bas, n’aurait un jour pu la voir grandir.

19.09.22

A chacune de ses apparitions, il disparaît tout à fait, la faisant disparaître à son tour. Jusqu’ici, ils sont quittes — doublent les chances de se manquer.

Ils auraient fini par se donner la main et, d’emblée, un diminutif.
Et après ?


À chaque jour suffixe sa peine.

05.09.22

En tout tripier sommeille un cœur
qu’il ne manque pas de vendre sur son étal
où quelques ris et autres amourettes pâles
sinon le guérissent, du moins en réhaussent
la couleur.

S’il fait bien quelques entailles ici et là
elles ne sont jamais plus larges, non
que le sourire qu’il déploie
en pensant à ses premières amours
dont il gravait les initiales avec un canif
sur des os à moelle.

Vêtu d’un tablier rouge vif où la tache se meurt,
c’est un grand sentimental
Il sauve tout ce qu’il peut de la farce, du gâchis
et quand vient le soir, fume jusqu’au purin son cigare
Aristocrat.
Seule la tripe fait passer le goût des entrailles, disait son père.
Il lui aura tout appris.

31.08.22

Il est de bon ton aujourd’hui de proposer l’asile climatique plutôt que d’offrir son bras ou rien qu’un verre — même généreux en glaçons. C’est une technique de drague pour le moins rafraîchissante en période de canicule, ou comment séduire une demoiselle en détresse respiratoire (sans l’étouffer davantage).

Les épisodes de fortes chaleurs étant de plus en plus longs, ladite méthode a reçu un accueil enthousiaste et n’a cessé de se perfectionner au cours des derniers mois. Aussi a-t-elle déjà fait ses preuves. Voyez plutôt : dirigez-vous vers la terrasse d’un bar exposé plein sud et, c’est important, dépourvu de climatisation. Repérez les ventilateurs tous azimuts, éventuellement les brumisateurs automatiques. Dénichez ensuite le bel oiseau de passage (auréoles, bec entrouvert et plumage laqué de sébum). Ou bien cherchez du regard la déesse insolée (capeline en guise d’éventail, lunettes instables sur la pente du nez, chaînes et breloques figées sur la peau collante, jambes surélevées par tous les moyens — à noter que si les pieds sont déchaussés et qu’ils reposent, non sur la chaise d’en face, mais carrément sur la table, vous pouvez avancer sans trop de risques : un tel laisser-aller suppose un état de réceptivité idéal, de bon augure pour la suite).

Quand le moment est propice (après un bâillement par exemple), approchez-vous de sa table avec la certitude que vous êtes tombé du ciel : mû par ce sentiment tout messianique, vous surmonterez facilement l’embarras et le bégaiement. La voix claire, amorcez donc la conversation : Bonjour c’est irrespirable aujourd’hui, n’est-il pas ? Et de compatir aussitôt à l’accablement qu’elle exprime par monosyllabes. Tourner un temps autour du pot qui sent la rose, par habitude. De la même manière, contourner les gamelles d’eau pour les chiens, qui sentent le chien plus que d’ordinaire. Avant toute invitation officielle, impérativement s’assurer qu’aucun d’entre eux ne lui appartient : premièrement, vous ne pouvez pas sauver toutes les espèces le même jour ; d’autre part, le meilleur ami de l’homme restera votre pire ennemi aussi longtemps que ses poils auront cette fâcheuse manie de se détacher de leurs follicules pour venir adhérer à vos dernières acquisitions textiles. Sans parler des tapis ! Sauver quelqu’un de l’hyperthermie doit-il forcément occasionner tant de sacrifices et de nettoyages à sec ? Pensez-y.

Vient ensuite le moment d’avouer qu’en raison des capacités thermorégulatrices de votre domicile, vous n’avez vraiment pas à vous plaindre, c’est vrai, et vantez là les mérites de votre climatiseur split, en pleine possession de ses moyens. Enfin, conviez-la explicitement à visiter ce spacieux appartement ô combien respirable, disposant de deux chambres à coucher (une plus agréable que l’autre), un canapé d’angle composé d’un bâtard et d’une méridienne, un fauteuil de relaxation inclinable, une buanderie, plusieurs tiroirs vides, une double vasque, une baignoire aux joints éclatants et des toilettes séparées. Aussi votre hôte disposera-t-elle de tout le confort nécessaire, à commencer par l’intimité. Il va s’en dire que vous offrirez généreusement le couvert, en échange d’une bonne hygiène bucco-dentaire.

Un sourire sans tache et vous la priez de vous suivre ! C’est au quatrième. Avec ascenseur. Aujourd’hui, il est en panne mais la réparation, ce n’est qu’une question de temps… en attendant, si elle veut bien se donner la peine… Qu’elle prenne ses aises — un double des clefs, afin de profiter de ce séjour réfrigérant en toute indépendance. Libre, bien sûr, de partir quand elle le souhaite, se dégourdir les jambes, vérifier l’exactitude du bulletin météo, guetter en vain les normales saisonnières, libre de ses mouvements, suer de tout son soûl ; naturellement libre de revenir à sa guise, sans prévenir ni prétention, avec l’assurance chaque jour renouvelée qu’étant donné les circonstances exceptionnelles, on est quand même mieux à l’intérieur. C’est-à-dire ici-même.

Les pores encore dilatés par sa petite fugue, de nouveau elle s’installe à l’angle du canapé. Et vous, aussitôt, de la rejoindre. Assis sur toute conscience écologique et un pan de sa jupe, vous lui laissez le choix de la température ambiante, la puissance de ventilation, turbo, silence. Elle fait la brise et le courant — la mainmise sur la télécommande du climatiseur, un tant soit peu sur votre cœur.

30.08.22

Rien ne sert de courir mais il faut partir : attends.

Ah, ça, ils font la paire ! Dans leurs petits souliers, l’un tourné vers la droite, l’autre carrément à gauche : ils marchent coude à coude, oui, mais en canard.

Il est temps que chacun prenne un chemin différent pour rentrer à la maison.

Disons qu’ils avaient autant de charme qu’un strabisme ; pouvaient ainsi prétendre à un mirage panoramique et, non moins que le grand angle, changer la flaque d’eau stagnante en sentiment océanique.

26.08.22

Le matador qui la courtise est sans banderilles comme ce sont des seringues que l’on plante aujourd’hui dans la jeunesse callipyge. Laquelle, c’est un conseil, préférera le taureau, sinon la mouche qui l’assomme.

Cependant éblouie par l’habit de lumière de celui qui la convoite, elle ne peut s’empêcher de rougir et, pareille à l’étoffe écarlate, excite par chance l’autre animal. Il fond alors sur ses lèvres couleur pommette et la demoiselle, sans plus de détresse, enfin s’endort dans le plus simple appareil et le berceau de ses cornes. Ainsi la belle et la bête se sauvent-elles l’une l’autre de l’estocade.

Piqué au vif, le toréador ne peut qu’assister à la scène, puis disparaître dans les bras de sa chère et tendre muleta dont la jupe tournoie encore.

24.08.22

J’insiste, je me laisserais volontiers mener en bateau si toutefois l’ancre daignait se lever, non moins que le capitaine. Lequel, c’est regrettable, reste plongé dans ses romans de phare quand je tamise la lumière. Je me demande si, par inadvertance, nous n’aurions pas échangé nos anneaux contre ceux qui rattachent au port.

Un mauvais livre n’est jamais ouvert, il est en cours d’utilisation.

— Jetez l’encre ici et coulez-moi donc ce navire ! Il me faut boire la tasse d’un trait pour cracher quelque chose de potable.

19.08.22

Le ciel qui te tombe sur la tête, c’est tout juste une gouttelette échappée du brumisateur automatique sous lequel tu as pris place, en l’absence d’autres nuages.

Le chien se voit offrir une gamelle d’eau. Je demande la même chose comme je suis le meilleur ami de l’homme qui me promène.

J’ai déposé une goutte sur son bec : l’oisillon n’est pas mort ! Voilà qu’il bat de l’aile dans sa petite boîte en carton.

(Reste que je n’ai pas réussi à sauver l’animal de ma compagnie.)

18.08.22

On a été coupés. 

Je n’ai rien entendu
à ton dernier souffle.

Tu peux répéter ?

Répète-le encore.

Le téléphone vibre une dernière fois pour avertir qu’il va bientôt s’éteindre. Ma foi, les hommes devraient en prendre de la graine ! Au mieux nous accordent-ils un pauvre spasme, lequel nous crispe à son tour. Injoignables du jour au lendemain, ils auront raccroché à notre insu — depuis combien de temps, au juste, est-ce que je parle dans le vide ?

— Veux-tu bien répéter ! Répète encore ou la critique sera assassine : on n’y croit pas une seule seconde, à ta mort.

13.08.22

Peut-on encore se plaindre d’ainsi fondre sous le soleil quand c’est lui, à l’évidence, qui fond sur nous ?

Fondu a fortiori, le poupon de cire oublié dans l’habitacle ! Le parking est plus vide encore que la double-page de mots fléchés, restée ouverte comme la bouche suffoque, sur la plage arrière de l’auto — se verrouille toute seule quand on s’éloigne. La grille Spécial Grandes Vacances, inaccessible malgré le réhausseur : il faudra étouffer en huit lettres sans autre distraction, au milieu de toutes ces places libres.

Cependant la baignade reste interdite sur plusieurs sites, de multiples analyses bactériologiques confirmant la pollution des eaux : ici, un risque de staphylocoque ; plus loin, des cyanotoxines… Oui, bon, l’eau est marronnasse mais le petit a sa couleur normale ! Regardez donc par vous-mêmes, insiste-t-elle. De son point de vue (un repose-tête pliable), ce n’est pas vraiment dangereux : les draps sont bien remplis d’acariens et ça n’empêche pas le monde de dormir, alors quoi ! Dès qu’ils seront à la maison, elle passera son petit trésor au karcher – au tuyau d’arrosage, elle veut dire, parce qu’ils ont un bout de jardin maintenant. Enfin, le journaliste pose à la mère une question pertinente, non moins que la réponse : Pourquoi je ne me baigne pas ? Oh, c’est que moi j’ai toujours préféré bronzer, et puis franchement, entre nous, ça me dégoûte un peu, la couleur. Pour moi l’eau c’est bleu, mais pour lui, l’eau ça mouille voilà tout. Regardez comme il est content, tout mouillé comme une poule.

07.08.22

J’ai été conçue à l’ère de l’érubescence programmée.

Le rouge me monte aux joues dès qu’il s’agit de prendre la parole, aussi quand il faut prendre autre chose ; une décision, le soleil, les devants. C’est inévitable, inscrit dans le contrat de naissance en lettres minuscules comme certaines excuses à peine audibles — un sanglot timide ? Tu auras la mine gariguette, le cœur de bœuf et le teint Marmande, ma fille.

Toujours est-il que j’ai vieilli. Je ne fais plus que bleuir aujourd’hui. De là à dire que je me rapproche des cieux… oh, minute ! Avant l’évaporation, l’état liquide voulez-vous. C’est à la houle aujourd’hui de monter jusqu’à mes joues, si peu timides en vérité. Il suffisait donc de prendre le large, sans mot dire.


Ce soir, c’est le ciel qui pique un fard

La forêt tient la chandelle de ce repas de fête. Qui ne tiédit.
Cependant dehors prend la couleur du centre de la terre.

Les arbres auront soufflé mes bougies

05.08.22

Pour faire une valise, prenez une échelle.

Grimpez jusqu’à la dernière marche, mettez-vous sur la pointe des pieds, tendez les bras, agrippez le sac de protection qui l’entoure, tombez à la renverse en même temps que ladite valise.
Relevez-vous, découvrez-la : elle est comme neuve.
Jetez-y tout ce qui vous passe par la tête.
Commencez par le plus lourd (par exemple, la peur de manquer de temps et votre train, qu’une version plus ponctuelle de vous-même le prenne à votre place, qu’un inconnu réussisse son suicide le jour où vous ratez votre correspondance, la peur de vous éparpiller aussi, surtout).
Rendez-vous compte que votre tête contient décidément plus de choses que ne pourra jamais en contenir cette valise.
Fatiguez-vous quelques minutes. Prouvez votre endurance. Puisez dans vos ressources ! Souvenez-vous des heures passées devant quantité de tutos « Bien faire sa valise selon la méthode Marie Kondo », puis abdiquez.
Refermez-la vide.
Vous serez le voyageur ainsi que le bagage.
Vous disposerez de deux jambes, autant de fermetures éclair, une poignée, quatre roulettes. Si un gentleman (ou juste un type pressé de libérer le passage) vous propose son aide pour vous glisser en haut du porte-bagages, acceptez. Vous prouverez ainsi votre légèreté.
Vous penserez bien à vous étiqueter car on n’est jamais à l’abri de s’oublier quelque part. Nom, prénom, adresse, intolérances alimentaires, allergies connues et soupçonnées, sujets sensibles… Soyez le plus précis possible (vous ne savez pas sur qui vous pouvez tomber).
De vous rappeler que tout bagage abandonné, de type cabine ou du genre bipède, entraîne l’intervention des autorités judiciaires et des équipes de déminage.
N’importe quel contenant vide, d’autant plus sur une ligne à grande vitesse, reste éminemment suspect (vous en conviendrez).
Prenez donc l’air débordé.

Enfin, laissez-vous porter.
Vous êtes en vacances après tout !
Une fois arrivé à destination, ne défaites pas votre valise (de rappeler qu’elle est vide). Prenez une grande inspiration. Soufflez. (À répéter plusieurs fois.)
Mettez-vous sur la pointe des pieds, tendez les bras, tombez à la renverse sur le lit qui n’est pas le vôtre, dans cette chambre impersonnelle aux meubles tous disponibles.
Rendez-vous compte que votre tête ne contient plus rien que le strict nécessaire. Relevez-vous, redécouvrez-la.
Rendez-vous compte ?
Vous êtes comme neuf.
(Vous le répétez à haute voix.)

24.07.22

« L’autrice est en devenir. » Je dois bien admettre que le contraire m’aurait inquiétée ! J’ai même gagné cinq centimètres depuis que je lève l’ouvrage à hauteur des yeux au lieu de baisser la tête. (S’il me tombe des mains, c’est en pliant les genoux alors que je le ramasse afin de garder le dos droit, le menton volontaire et le regard au loin, disons porté vers une autre ligne.)

Non, vraiment, devenir créatrice de contenu ne me dit rien qui vaille. Ce pourquoi, j’ai décidé de créer du contenant ; par exemple, des vases. Quantité de vases translucides ! Que vous remplirez, à votre guise. Mais, dites-moi ! c’est ce que je fais déjà avec mes petits paragraphes. J’en mets ma main à couper et, in extremis, mon paraphe.

Il aura tout mis en œuvre. Vivre aux crochets de la société, l’artiste incompris a bien fini par comprendre. Il a même été jusqu’à rentabiliser tous les diagnostics, que croyez-vous ! C’est un homme d’affaires avant tout. Qui épuise chaque jour l’ensemble de ses ressources. Heureusement, il suffit d’être entendu par les bonnes personnes, disons quelques spécialistes et un mécène sur le retour, pour que le désespoir reste confortable.

19.07.22

Les ventilateurs tournent à plein régime, mélangeant les haleines, toutes les sueurs entre elles : une party de débauche olfactive. Demain, tout sera insipide ; tes cellules, en dégrisement. Je passe par toutes les couleurs et dès que possible.

L’éventail, du reste, n’est pas la solution comme il attise les flammes ; lesquelles s’agitent, soufflent et se raniment, enfin produisent déjà seules le vent qui les alimente. En un mot, le feu n’a pas besoin de toi. Toi, en revanche…

Prendre les choses en main, pourquoi non, si le matériau est noble à l’instar de ta parole. Cependant je ne ferai pas feu de tout bois ; seulement assez, si tu veux bien, pour quelques étincelles et ne pas avoir froid.

16.07.22

Le couple, c’est vrai, est fort bien assorti — d’ailleurs, souvent on le lui dit, mais il ne l’entend pas de cette oreille comme il crie beaucoup sans parvenir à s’entendre ; cependant s’arrache les cheveux, en parfaite symétrie.

Comme les ensembles ne sont pas toujours très heureux, il est bon parfois de dépareiller les pièces. Un twist, du peps, disons quelque chose qui réveille. On appelle ça la tendance mix and match. (Les puristes parleront ici de rencontre, sinon de trouvaille.)
De cet inédit mélange, certains retiendront le mariage réussi du haut et du bas, quand d’autres y verront un choix audacieux, pour ne pas dire un fâcheux faux pas. D’aucuns crieront au scandale d’une seule et même voix comme leur tessiture est tout à fait ajustée au costume qu’ils se taillent.

Les boutons sautent, les surpiqûres craquent, tout le tissu se relâche, s’use là où frotte le sac que chaque jour l’on vide sur la table ; enfin, c’est encore portable si l’on a un faible pour le vintage et un nécessaire de couture. J’ai d’ailleurs déjà trouvé quelques pépites, au petit bonheur, dans Le Bac de la Dernière Chance. Pour 1 euro, on aurait tort de s’en priver ! Au pire, ça fera des torchons ou bien une robe confort pour la maison. (La surprise, ce me semble, a toujours grande allure.)

10.07.22

Ceci n’est pas une photo de vacances, dirait Magritte, René de son prénom
quand Hua Wei, berné de son vivant, affiche sur l’écran « Ce sont
des poissons » alors que je capture là mes chaussons plastique
singeant nageoires et écailles, l’œil vitreux, pathétique.
C’est que l’intelligence artificielle mord à l’hameçon
comme du menu fretin aussi rectangulaire
que la panure donnant forme à la chair
sans plus de précisions ni d’arêtes.

La poiscaille, Wei,
c’est toi au bout du compte !
et de cette canne dont je remonte
la ligne, puis la casse en plusieurs vers qui se rebiffent et
se tortillent, enfin jette dans la poêle la pêche made in chinadead in plancha
Hua, ne reconnais-tu pas là quelque chose comme le comble de la poisse ?

« Performance sur scène », ceci pour toute réponse.

03.07.22

On m’a dit un jour que j’accrochais bien la lumière ; depuis, c’est bête, je m’accroche à cette idée comme le plafond à la douille de chantier.

A l’avenir, conserver sang et eau, toute la sueur du monde, hors de la portée des enfants, sur la dernière étagère du dernier rayonnage de l’ultime dark store — dans une amphore, une fiole, un fût, est-ce que je sais ! un nabuchodonosor ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait la promesse de lendemains qui changent.
C’est tout de suite, en revanche, qu’il faut changer le néon 13 de l’allée 27, qui clignote au rythme des commandes infatigables et du battement par minute de l’heure épileptique avant que l’obscurité ne s’abatte sur le rayon petit-déjeuner, plongeant toute céréale dans le noir plutôt que dans le lait.

La biscotte, dans sa chute, nous réveille, nous éveille à ce qui compte le plus : le sol, le beurre ou bien le miel. En réalité, la tartine tombe toujours du bon côté des choses. Que l’on écrase, que l’on ramasse, dont on dispose.

29.06.22

Le fauve enrage de voir l’homme lui tourner autour plutôt que la serrure de sa cage.

Doit-on vraiment s’étonner que ludique ait disparu du vocabulaire des plus jeunes, l’esprit rétroéclairé par les cristaux liquides où défilent tant de maux incompréhensibles — or, d’usage ?

Sous le tapis, la poussière est depuis longtemps revenue à l’état sauvage. Quant au paillasson, il perd ses poils et s’en frotte les mains : d’ici peu, il ne retiendra plus les saletés de l’homme bien propre sur lui.

25.06.22

Début mai, les États-Unis font face à une pénurie de lait infantileAlors que 75% des nouveau-nés américains sont nourris exclusivement de lait en poudre, l’une des plus grandes usines de fabrication, implantée dans le Michigan, met la clef sous la porte suite au rappel de plusieurs produits soupçonnés d’avoir provoqué la mort de deux bébés — lesquels auraient fait la moue en refusant systématiquement le sein imprenable et tendu (bien mal leur en a pris, d’ainsi faire les difficiles).

Le mercredi 22 juin, à Lyon, une auxiliaire de puériculture, excédée par les pleurs d’une fillette de 11 mois, lui fit ingérer un liquide surpuissant à la soude destiné à déboucher les canalisations, entraînant tout naturellement la mort de ce petit bouchon, en 30 minutes seulementcomme indiqué sur le flacon. La crèche où elle travaillait avait pour devise : « Le sens de l’enfance ». D’ajouter qu’à la suite de ce drame, le syndrome des mères secouées (SMS) entrait finalement dans le jargon médical et la tête des patientes.

Deux jours plus tard, soit le 24 juin, la Cour Suprême des États-Unis révoque le droit constitutionnel à l’avortement, renversant ainsi sa propre jurisprudence de 1973 et, du même coup, le sens de l’Histoire. Depuis, petites merceries et grands centres commerciaux sont pris d’assaut par quantité de survivalistes qui se jettent sur les cintres comme la pauvreté sur le monde, si d’aventure il leur venait l’envie insensée de suspendre crinolines et corsets sur la corde à linge traversant, telle une raie de lumière, l’open space souterrain — un bunker partagé où redécouvrir ensemble les vertus du tricot et du crochet.

19.06.22

on marche dessus sinon lévite

et comme on crie
quand on hurle
à faire jaillir l’encre des poulpes
se retourner les soles sur le flanc droit
à trouver des orques dans la Seine
(rive gauche je crois)
prendre racine dans le courant
d’arrachement
se prendre les pieds dans une laisse
pour enfants
si tu cries à rendre exsangue
le gras beignet
réveiller de la sieste le padre
faire éclater les bulles de sa cerveza
con un toque de limón

à faire fondre los helados
la nata entre tes doigts
tellement tu en baves
et comme tu douilles
à faire disjoncter le soleil
— si tu cries alors
c’est que tu l’as
là, juste sous ton pied
qui hurle
la vive, si vive
ta réponse

et si tu te poses encore la question
c’est une épine dans la plante
pire qu’une écharde, oui
mieux : elle t’aiguille
celle qui s’enfouit
que l’on esquive
vive et violente
décharge électrique
évidente enfin
la voilà, ta réponse

épineuse, elle agit en traître
agite d’une traite, c’est vrai
qu’elle n’a pas bon dos, c’est
le moins que l’on puisse dire
en plus du cri pareil au pique
elle te pique au vif, la vive
si vive, cette réponse
allergique peut-être
à sa décharge, explicite
c’est une épine pour la langue
qui la nomme d’ailleurs
épine de Judas — aïe 
pour toute réplique

tu mets le doigt dessus quand tu l’évites

15.06.22

Peut-on encore changer de crémerie si l’on est intolérant au lactose ?

C’est aujourd’hui la réflexion que je propose,
me propose d’étudier — oui non peut-être
et on ouvre ! on ouvre grand les fenêtres
le sujet de philo idéal n’est-il pas
en ces temps allergènes
disons qui restent sur l’estomac
que le nutri-score soit A + ou E −
qu’il fasse 32 ou 33 la canicule
reste une petite chienne

Comme les étudiants planchent depuis l’aube
déjà au zénith
4 heures coefficient 8
sous une vague de chaleur +++
dans une salle exposée nord
plein nord, jamais sud, non
car l’infirmière est seule
seule pour 34 rangées 12 colonnes
elle ne pourra pas sauver tout le monde
c’est sûr, s’ils flanchent tout d’un coup
comme un seul et même corps
le sujet collé au front
qui s’interroge encore
dis-moi qui je suis
si je ne suis qu’un corps
quand je perds connaissance ?

Côté sud les salles servent d’étendoir
pour méninges humides
y sèchent quelques copies
changées en essuie-tout
noyées sous les références
trempées de connecteurs logiques
en outre de plus d’autre part
qui gondolent sous la paume moite
les doigts gras le stylo fuyant
feuilles buvant l’amour du savoir
papier remâché rabâché recraché

Bac philo bac terminal
Bic faible Bic pâle
bac à sables mouvants
où la baignade est interdite
comme le point d’eau
est dans ta nuque (la goutte froide)
et sur la table (ta gourde isotherme)

Point d’interrogations
sans châteaux de cartes
— Descartes ?
non ! plutôt des ponts-levis
comme il faut ouvrir ! ouvrir
du début à la fin sinon
c’est le râteau le hors-sujet zéro
écouter un coquillage te met le doute
est-ce la mer ? c’est ton souffle ?
c’est la fin ? déjà ? enfin ?
et on tend la copie
anonyme
puis on retrouve ses esprits
les amis +++
la crème de la crème
le QG la tribu le sang la vie
à ton avis t’as réussi ?
j’ai tout foiré j’ai fait que dalle
ma troisième partie, elle est trop bancale,
pire que la table

et l’on n’entend que nous
comme on s’exerce au Grand Oral
et qu’on sable ensemble Skøll ou Despé
attendant la mention pour le champagne

L’art, on n’en sait rien, mais ça,
ça transforme le monde
au moins, la journée
alors pourquoi changer ?
on ne change pas, jamais
une équipe qui gagne

10.06.22

1.
Hier ou dans ces eaux-là, ma mère a laissé un petit mot sur une montagne de bugnes tièdes : Je saute dans un train. Besoin de mer. Vous enverrai une carte postale.
Le café était froid, glacé presque (j’en conclus qu’il avait coulé bien avant la préparation des bugnes). Je me servis du filtre rempli de marc comme d’une compresse, une compresse froide que j’appliquai sur l’énorme bugne que je venais de me prendre sur la tête et qui avait formé, non une bosse, mais bel et bien une montagne. Une montagne ! moi qui n’aime que le vague, le fluide, l’horizontal, j’avais une montagne sur le sommet du crâne ! (L’avalanche, elle, était ailleurs ; d’ailleurs inévitable, elle se creusait un couloir du bord des yeux jusqu’en haut du cœur.)

2.
Tes sourcils forment un accent
un accent circonflexe
la cime d’une montagne
de reproches
le signe diacritique
qu’il manque quelque chose

Je ne me risquerai pas, non,
à grimper l’arête de ton nez
bien peu fiable je dois dire
comme tu viens de te le casser
sur le mur qu’il m’a fallu bâtir

3.
Quand je panique un peu (dramatise à peine), on dit que j’en fais toute une montagne. Et quand je m’en fais toute une montagne, c’est double peine ! Aussitôt, réactions en chaîne et chaînes de solidarité pointent et me hérissent ; on m’envoie un tas de bisous, des larmichettes de compassion comme des stalactites ; puis, ô malheur !, une montagne de cœurs ! Enfin, de me couvrir d’une avalanche de conseils, pour me calmer un peu, j’imagine. (C’est qu’on a perdu l’habitude de voir ce qui cède depuis l’apparition des écrans, solides barrages en cas d’épanchement, smiley larmes ou cerveau qui fume.)
Cela dit, comme ça part d’une bonne intention, j’imagine (j’imagine beaucoup), je ne monte pas sur mes grands chevaux dont le garrot, à la base de l’encolure, ressemble franchement (pardon d’insister), mais ressemble comme deux gouttes d’eau à une petite montagne, bon, disons une colline, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie et, si possible, éviter une deuxième vague de bonnes intentions bien incapables de me remettre à flot comme elles veulent me tirer vers le haut quand je veux m’étendre au contraire ! m’étendre, vous entendez ?

4.
A supposer que j’en arrive au faîte, comment redescendre alors si ce n’est sur les fesses puisque j’ai les jambes en coton — coton grâce auquel je démaquille volontiers le ciel quand il est cerné de noir et que, tout le monde s’accorde pour le dire, ça ferme le regard.

08.06.22

Tu pensais te sortir d’un mauvais pas ;
tu as seulement troqué le bourbier
contre la flaque. Et vois comme elle te trouble.

Te trempe même jusqu’à l’os
jusqu’aux chevilles cette fuite d’ô
oh oh ! pataugerais-tu dans un poème ?

À quoi ça rime au fond, revenir à la ligne
quand c’est toujours la même histoire
le même trouble que l’on rabâche

À quoi ça rime, repêcher ce que l’on relâche ?
là ! là ça rime ! ça rime à la hache
brisons là brisons vite alors

Avant que ça se trouble encor
disons avant que ça ne gâche

06.06.22

(La fleur de douche & le gant de crin)

« Quelle histoire ! Il fallait en rester à l’incipit sinon l’étirer vite jusqu’au point final — Pas évident de retrouver la première page sous ton millefeuille de soins ‘‘à la japonaise” tu dis

Dire que j’avais écrit à même la peau et jusque dans la paume quelques antisèches en matière de rabibochage — Et puis quoi ? elles auront toutes disparu dans l’eau du bain où marine la fleur de douche où macère encore ton gant de crin

Je les pensais indélébiles comme c’était à l’encre de seiche or il n’en reste plus aucune trace rien — Rien que ta peau décapée néanmoins douce ta peau d’ores et déjà de petite geisha »

04.06.22

Revendiquer le droit au crop top, « nouvel étendard de la jeune génération » si j’en crois les gros titres, n’est-ce pas une façon somme toute moins égocentrique, non plus de se regarder le nombril, mais de voir les autres le regarder à notre place ?

On parle d’étendard, mais c’est une peau de chagrin ! Même en plein hiver, je vois ces nombrils à l’air et j’ai froid, j’ai froid pour eux ; ils ressemblent à de petites grottes quadrillées de stalactites et de flocons dont les branches, ça arrive, prennent au piège le pendentif d’un piercing qui grelotte sur leur passage. Cependant, si je n’étais pas si fragile de l’estomac, peut-être oui, sûrement même, que je m’y risquerais ; après tout, je suis toujours partante pour de nouvelles aventures vestimentaires, mais pas au péril de ma santé, ça non ! (D’ailleurs, le crop top n’apparaît pas dans la liste des astuces pour un microbiote épanoui, proposées par le journal, quelques pages après la guerre pour laquelle on a vachement moins de solutions.)

Et que penser du chandail bedaine, son équivalent québécois ? Chandail bedaine, il fallait l’inventer celui-là. Un mot plutôt long, n’est-il pas, pour un vêtement si court. Un mot capable à lui seul de clore le débat, croyez-moi. Si on l’avait préféré à l’anglicisme, sûr que la mode aurait été tout autre, peut-être même qu’elle aurait fait la part belle aux cache-cœurs et autres cols bien roulés. Décidément, les tendances tiennent à peu de chose ; quelques lettres en plus ou en moins et ça vous change une silhouette !

(Et si vous ne me croyez toujours pas, dites-le, dites-le donc à haute voix, et de préférence en public — Longue vie au chandail bedaine ! Arrêtons de stigmatiser le chandail bedaine ! etc. Mettez-vous-en plein la bouche, plein la panse, de ce mot-là, et vous verrez alors ! Tout le monde, la peau du ventre bien tendue, oui, tout le monde regrettera sa petite laine.)

La Poésie est une oreille (festival 2022)

Je participe cette année à la première édition du festival La Poésie est une oreille, organisé par Katia Bouchoueva, et l’association L’Office des transports Poétik.
Des ateliers, des rencontres, des lectures dans 7 lieux grenoblois… et, le jeudi 23 juin 2022, la possibilité d’entendre une autre version de La Preuve du contraire, accompagnée par la musique d’Arapaïma.

🎉Quelques extraits vidéos sur mon compte Instagram

29.05.22

Intempestive, la publicité m’interroge : En ce jour si particulier, ai-je envie de combler ma mère ? Et comment ! La combler ! Oui, la rembourrer un peu, que n’y ai-je pensé plus tôt ? ça ne lui ferait pas de mal (enfin, je crois). C’est vrai que mère s’est considérablement dégonflée depuis que je l’ai vue prendre l’air pour la dernière fois — je me rappelle, le vent passait sous sa jupe, la faisait bouffer alors, bouffer jusqu’à la crinoline et comme elle pouffait ! je me rappelle, de rire elle pouffait, à pleins poumons elle riait, et je bouffais ce rire, moi, de petite gamine.

Qu’elle retrouve un tantinet de volume, c’est ça, son moelleux initial, et le voilà comblé le vide à l’arrière de la nuque ! Et qu’elle blouse ! je veux la voir blouser encore, la vaporeuse, qu’elle s’échappe de la ceinture où on l’arrime, elle n’en sera que plus confortable. Ample et confortable, c’est ça, de la place. De la place pour deux trois courants d’air.

Cependant, je manquais de souffle comme j’avais tout donné, déjà, pour mon bateau gonflable.

Remonter au vent,
vent du midi,
midinette chérie,
de fond en comble chérie.

26.05.22

Une flopée de lianes adolescentes lestées jusqu’aux oreilles, et visiblement somnambules, arrivait droit sur moi. L’une d’elles sortait du lot comme elle était sans fil. Elle avait des yeux immenses qui regardaient bien où poser les pieds, ce qui me donna confiance : la collision devrait être évitée. En réalité, tout était immense chez elle, des griffes jusqu’aux extensions de cils (volume russe). Tout sauf le petit livre néanmoins épais qu’elle tenait par la main (un volume russe ? j’étais encore trop loin). Décidément, malgré des cils comme des ramasse-miettes, cette jeune fille me plaisait bien.

Je commençais à distinguer la couverture : elle était noire et jaune, aussi me fit-elle immédiatement penser à la collection « Ma nuit au musée » des éditions Stock. Ne s’agirait-il pas de L’Arche Titanic d’Éric Chevillard où j’embarquais chaque soir, une fois retrouvé mon radeau de fortune ? Nous allions peut-être pouvoir échanger au sujet de quelques espèces disparues et pleurer ensemble ! Arrivée à sa hauteur — c’est-à-dire à hauteur de son nombril, comme la nouvelle génération est très grande, et que les chaussures à plateforme sont en vogue depuis le roman de Michel Houellebecq ou bien l’arrivée de Lady Gaga, la chronologie n’est pas encore très claire —, enfin le titre de l’ouvrage bicolore me sauta à la figure : malheureusement, aucune mention du paquebot ni dudit capitaine. Il s’agissait bien plutôt d’un tsunami commercial. Numéro 1 des ventes, disait le bandeau. Tous mes espoirs s’envolaient en même temps que le ticket de caisse, qu’elle regardait prendre le large avec indifférence, sans bouger l’ongle encapsulé. Finie la connivence ! Je la détestais.
D’après l’éditeur, il s’agissait d’un manuel bienveillant et militant, plein de bonne humeur et d’esprit positif. Aussi le livre se proposait-il d’enseigner la méthode « + = + » dans le plus grand respect des mathématiques. D’ajouter qu’il avait coûté 19 euros + 50 centimes, soit quasi 20. Le prix de la positivité.

Tandis que s’éloignait la belle plante adventice, toujours plus près de son téléphone qui était jusqu’ici resté caché derrière la quatrième de couverture, j’avais ramassé le ticket de caisse comme il se doit — et sans désir de reconnaissance car j’œuvrais dans l’ombre comme n’importe quel éboueur, pourtant vêtu d’un gilet réfléchissant. Je l’avais ramassé à l’aide d’une petite cuiller qui ne quittait jamais ma poche comme je m’éparpille facilement une fois mise en miettes.

Disons que j’ai ma propre idée du développement personnel : se démultiplier pour mieux se soustraire. Imaginez donc un livre intitulé Toujours çà et là, qui enseignerait la méthode « × = − » dans le plus grand respect de l’illogique ! Ça ne coûterait quasi rien, de l’inventer.

23.05.22

(le mitigeur & la double vasque)

« On s’était promis une vie de château on n’a construit que des remparts (+ une table basse qui sert de vide-poche et de meuble télé) — Eh dis ! on a quand même une double vasque un lit double trois écrans de streaming la clim un lave-linge avec je sais pas combien de programmes un aspirateur triple A sans parler du triple vitrage !

A quoi bon la double vasque ? tu craches toujours de mon côté même que tu t’en gargarises — Ton capital sympathie est sérieusement en baisse depuis l’apparition des cotons réutilisables (penses-tu à les laver avant de te débarbouiller avec ? franchement je reste mitigé)

Le mitigeur ! c’est le mitigeur qu’il faut changer ! — Penses-tu vraiment que nous en serions moins éclaboussés ? »

21.05.22

Encore fallait-il être capable d’élever seule une mère de kombucha. Pour être honnête, j’avais peur de l’échec et du matricide involontaire. Je ne me faisais pas confiance en matière d’éducation. Ce qui ne m’empêchait pas de me pencher sur les procédures d’adoption, les orteils en griffes, bien accrochés au bord du plongeoir. Enfin j’allais savoir ce que j’avais dans le ventre ! Il faut parfois se jeter dans le grand bain sans se mouiller la nuque (c’est une frileuse qui essayera toujours de nous garder au sec avec les objets trouvés (mais par qui ?) autant dire complètement oubliés par d’autres).

Quant à savoir comment s’y prendre… J’avais lu tous les manuels éducatifs, disons vu tous les tutos YouTube. Par exemple, il ne fallait jamais secouer la mère pour ne pas remuer la couche ancienne pareille à la vase et qui, sous pression, pouvait nous sauter à la gueule ; quant à ce qui surnageait, mieux valait ne pas y toucher non plus (à l’instar des huîtres ou la peau du lait, ça pouvait rester sur l’estomac des plus sensibles). Au bout du compte, je me sentais assez calée sur le sujet, théoriquement déjà. Je fis alors un plat magistral dans un océan d’audace et bus la tasse jusqu’à la lie (la peau du lait avec) : j’adoptai le champignon idoine au doux nom de SCOBY — en réalité un amalgame gluant, une communauté de bactéries et de levures dont la membrane visqueuse m’évoquait la semence de quelque géniteur inconnu. Aussi ressemblait-elle franchement à la pâte à prout de mon enfance (aujourd’hui on appelle ça le slime, ce qui a relancé la mode du pet multicolore ainsi devenu hype).

Alors que fermentait la souche, je fomentais quelques dyspepsies. Quelques spasmes. Des ballonnements, si vous préférez. Je nourrissais beaucoup d’espoir en nourrissant ma mère de bonnes bactéries. Peut-être que Scoby allait sauver mon microbiote intestinal ! Je l’avais trouvé sur une boutique en ligne (sorte de SPA pour Syndrome du Côlon Irritable) où l’on promettait que tous les Scoby étaient fidèles et adorables. Après le processus de fermentation naturelle, on pouvait même le faire sécher : il deviendrait alors une gomme à mâchouiller très appréciée, paraît-il, de nos chers toutous (pour ne rien gâcher, il faudra donc ensuite adopter un chien, je note).

C’est au moment où ma mère commençait à faire des bulles (décidément, la bête était vivante !) que j’entendis parler de cette pénurie de lait maternisé, qui sévissait aux Etats-Unis. D’immenses malls aux rayonnages vides de milk.
La pénurie avait conduit à un nouveau trafic sur les parkings des centres commerciaux. Quand les mères affolées n’avaient recours aux « banques de lait », elles contactaient d’autres mères tout aussi exsangues mais, par chance, allaitant encore. Solidaires, elles grimpaient immédiatement dans leur 4×4 et sortaient du coffre quantité de bouteilles remplies de lait maternel, tiré à la source le matin même. Après avoir déchargé la précieuse cargaison, elles repartaient avec leur tank et le sentiment d’être déjà un peu plus légères. Afin de compenser son manque criant d’attributs féminins, le président américain avait mis en place un pont aérien afin d’importer en urgence des litres de lait infantile venu des quatre coins d’Europe. La prochaine pénurie concernera donc les oiseaux migrateurs : et qui, alors, pour remplir à nouveau l’immense sky et ses rayons couleur cream ?

Pour ne rien gâcher, un chien, donc. Il me rapportera les os des oiseaux qui étaient là au mauvais endroit, au mauvais moment ; oiseaux dont je reconstituerai le squelette avant de les suspendre au plafond, déjà repeint en bleu, un bleu céruléen pour la peine. J’aurai un bien beau mobile alors ! Et de passer en mode avion.

20.05.22

Après quantité de recherches non concluantes à propos de la fabrication du kombucha — littéralement « thé d’algues kombu », plus connu en tant que boisson santé, très âcre pour certains, juste houblonnée pour d’autres —, je finis par comprendre mon erreur : comme souvent, ça se joue à une lettre et quelques boucles de cheveux.

Afin d’obtenir cette pétillante potion issue de la culture symbiotique de bactéries et de levures (gloups), il n’était pas question d’élaborer une « mer » comme je l’imaginais (disons de la taille d’une grande bassine ou d’une petite baignoire, dans laquelle les ingrédients devaient à mon sens faire trempette jusqu’à devenir tout fripés, éventuellement accompagnés de quelques algues décoratives) mais d’élever en fait une « mère de kombucha » (oups).  

Une révélation qui détrône à ce jour d’autres découvertes majeures ayant jalonné mon existence, telles que le sac à viande, l’huile de coude et la scie iguane — égoïne si vous y tenez, mais il n’empêche que ses dents tranchantes ressemblent en tout point à la crête dorsale du reptile, alors coupez bien ce que vous voulez mais pas le fil de ma pensée : qu’elle lézarde tranquille !

Et de préciser enfin que j’aurais moins tardé à comprendre si une amie n’avait pas franchement semé le doute avec ses histoires d’eau : elle n’arrêtait pas de parler de son petit Scoby (qui n’était donc pas le surnom de Scoubidou, son chien saucisse, mais bien l’acronyme de Symbiotic Culture Of Bacteria and Yeast) et ne manquait jamais une occasion d’évoquer sa limpidité, le nez collé à la paroi du récipient en verre où flottaient fruits secs et restes de levures mortes, comme on le fait habituellement contre l’aquarium pour mieux distinguer les poissons encore vivants mais déjà un peu troubles. Elle s’occupait si bien de cette grande bleue portative ! Aussi la protégeait-elle de la poussière à l’aide d’un joli torchon à carreaux avec encore l’étiquette : il fallait une maille plutôt fine, comme le lin, pour laisser passer l’air et que la mer ne tourne pas en marécage. Après tout, on allait bien finir par la boire !

(Reste à ce jour une question de taille mais, là encore, nulle réponse très concluante : qui donc est la mère du petit Scoby ?)

19.05.22

(le sac à viande & l’âme à ressorts)

« On aurait dû prendre le matelas avec une meilleure indépendance de couchage au lieu du king-size — Si je ne m’abuse nous disposons d’un sac à viande il t’attend au grenier ou bien à la cave ? je m’y perds dans tous ces dépotoirs

Et mon dos tu y penses à mon dos ? — J’avoue que je n’y pense pas trop tu me l’auras tourné plus souvent que la tête

N’empêche qu’il va passer l’arme à gauche regarde regarde les deux cratères sur les bords — Ça ne serait pas arrivé non si l’on avait choisi l’âme à ressorts »

17.05.22

(le ploc du couvercle)

« Bon sang t’en as pas marre de ces phrases bateaux ? — C’est bien là où le mât blesse tu compartimentes tout sinon ça divague

Cherche pas j’ai atteint mes limites pour aujourd’hui et puis j’ai la migraine — Tu devrais la mettre en bocal à côté de tes trucs en vrac ça pourrait faire des germes et même des larves

Il s’agit de denrées non périssables — Appelons un chat un chat il s’agit de pièges à mites alimentaires, inévitable

Des piques encore des piques mais toujours pas de chien parce que tu es allergique — Tu ne sors jamais de ta zone de confort comment voudrais-tu sortir un chien matin midi et soir comme ces gummies vegan que tu dévores No stress total detox et j’en passe et des boosters qui gomment à peu près tout sauf tes TOC »

11.05.22

(le choix de la déco)

« Il me tarde que la nuit tombe et elle finira par tomber c’est sûr — Comme tout ce que tu accroches vaguement au mur

Quand je tomberai de fatigue tu pourras lever le camp et aller décrocher la lune comme l’a prédit ton horoscope — Non sans récupérer au préalable crochets chevilles et marteau il ne faudrait pas que tu défonces toutes les cloisons dans un accès de rage qui finira par retomber, patience, comme la ventouse des torchons

Décidément tu me regardes de travers depuis que j’ai fait tomber le niveau à bulles — J’enfonce le clou depuis que tu ne ramasses plus ce que tu bouscules »

10.05.22

(le périmètre du tapis)

« Tu n’as jamais été aussi haut perchée tu te rends compte — Je ne vois pas ce qu’il y a de mal à faire les cent pas pour faire ses nouvelles chaussures

Je vois que le parquet est déjà plein de rayures une vraie marinière — Goethe disait “C’est pour savoir où je vais que je marche” et je vois déjà 13 centimètres au-delà de la balustrade bientôt l’aventure

Ces escarpins te font de belles jambes de très belles jambes en effet cependant le cuir est vraiment de mauvaise qualité — J’ai quelques ampoules et alors ? Autant dire que j’ai rarement aussi bien vu où je mettais les pieds

Écoute… si ça te permet d’éviter le sujet qui revient continuellement sur le tapis — Remercions-le plutôt d’offrir un toit cosy à tout ce qui s’émiette jusqu’au prochain soulèvement »

09.05.22

(danse de salon)

« Merde encore une écharde ça commence mal (ça continue cahin-caha) — C’est bien toi qui disais lundi est le pied gauche de la semaine (surtout quand l’on marche pieds nus si tu veux mon avis)

C’est toi qui voulais du vrai parquet et tu ne remets jamais la pince à épiler à sa place après l’avoir mise dans ton nez — Tu comptes patienter jusqu’à dimanche pour voir la vie du bon côté ?

Exact et sans me presser j’en ai assez de courir après ce qu’on avait avant ça me tord les chevilles — L’embauchoir nous aura fait défaut on a perdu notre forme d’origine

Vivre chaque jour comme si c’était le dernier tu disais hier et depuis l’on ne fait que mourir et maintenant je boîte comme une vieille — Disons comme le dernier de la semaine pour commencer et veux-tu bien arrêter le carnage montre-moi donc ce pied que je t’en débarrasse »

05.05.22

La consigne est la suivante : « Complète le dessin à l’aide des informations du texte qui l’accompagne ». Deux phrases – qui, à l’école, commencent par une majuscule et finissent par un point, sans mil enchevêtrements encore – composent le court texte situé juste au-dessus de la zone à illustrer, où flotte déjà la tête d’une fillette au centre du cadre. Une adorable tête réduite avec une queue de cheval sur le sommet du crâne, à l’endroit où l’on pratique la trépanation (de préciser qu’il est tout à fait contraire aux valeurs de l’école de faire rentrer quelque chose dans la tête d’un enfant par la fontanelle : le savoir se diffuse plus subtilement, d’abord par les yeux et les oreilles).
Comme promis, les quelques lignes informent l’élève que la petite fille s’appelle Jeanne (Enchanté, Jeanne), qu’elle porte une salopette rose et des chaussettes bleues (pour braver les stéréotypes de genre et mettre tout le monde d’accord, je suppose).

Il reste cinq minutes pour finir l’exercice. Il faut s’y mettre. Sa grande sœur aime beaucoup les salopettes, ça tombe bien, il sait comment faire les bretelles. C’est la main toutefois un peu crispée autour de son crayon qu’il s’applique à dessiner une salopette (sorte de gros H en lettre bâton) qu’il colorie ensuite en rose (dans la poche de devant, il glisse en plus une rose de couleur rose pour bien montrer qu’il connaît aussi la fleur qui s’appelle comme la couleur alors on ne sait jamais bien de quoi on parle). Puis il regarde mes pieds – parce que c’est plus simple avec un modèle – et crayonne une paire de chaussettes. Comme le texte ne précise pas s’il s’agit de bleu ciel ou de bleu foncé, il en fait une de chaque (le fait que je porte de façon tout à fait exceptionnelle des chaussettes dépareillées n’est que pure coïncidence : cet élève a toujours été d’un grand perfectionnisme, c’est-à-dire qu’il s’attache à mettre tout le monde d’accord quant à sa note finale).

Voilà qu’il a fini avec une minute d’avance. Fier, il me tend la feuille. Tous les éléments sont bien présents. Jeanne a une tête, un cou et deux bras (en un mot, Jeanne est un buste) ; elle porte effectivement une salopette et des chaussettes, même qu’elle les tient fermement dans ses mains comme elle pourrait tenir un vieux doudou par les oreilles ou la petite anse de sa boîte à goûter pareille à une valisette (en deux mots, Jeanne est toute nue).

Quant à moi, c’est tout naturellement que je porte la responsabilité de laisser cet enfant dans l’ignorance. Qu’il puisse, quelques années encore, prendre au pied de la lettre tout ce qu’il devra porter plus tard à bout de bras et qui, je le crains, sera moins mignonnet qu’une salopette rose bonbon en forme de lettre bâton, qui plus est de traviole, une bretelle immense et l’autre toute petite. A cet âge, on a encore le droit d’être asymétrique.
Aussi, quand il me demande « Est-ce que c’est tout vrai ? », je lui réponds oui, bien sûr tout est vrai puisque je me suis pincée et que, malgré mes épis et un manque évident de concentration lors du chaussage, je suis bel et bien réveillée. (S’il m’avait demandé si c’était juste, ma réponse eût sans conteste été différente ! Que croyez-vous, je suis professionnelle ! Et justement, ce n’était pas sa question.)

C’est d’ailleurs avec un grand professionnalisme que j’ai patiemment attendu ma pause pour méditer davantage sur la question vestimentaire. A vrai dire, j’en suis rapidement venue à cette conclusion : les hommes se porteraient secours davantage s’ils ne portaient rien sur le dos. Niet, nada, zéro. Imaginez seulement un monde où l’on se baladerait tous et toutes dans le plus simple appareil, et pourquoi pas une salopette à la main comme l’on promène un temps le compagnon fidèle, puis fidèlement sa dépouille (c’est que la fidélité change vite de camp, n’est-ce pas, lorsque la mort gagne du terrain sinon la course même).
Cependant la sonnerie retentit, on fait la course pour être chef de rang et avoir la main de la maîtresse dans les cheveux, qui nous recoiffe un peu. Pour l’instant, on est là, on a six ans, une trousse entière de crayons à étrenner et une nouvelle copine qui s’appelle Jeanne, qui porte une salopette rose comme la fleur et des chaussettes bleues, d’un bleu qu’on se demande s’il est plutôt foncé ou plutôt ciel alors on choisit les deux.

02.05.22

(le cinq-à-sept)

« Tu as pris ma place cette nuit côté porte Dois-je te rappeler que ce bord était le mien avant que tu ne me le piques comme la dernière part de ce carott cake — qui t’aurait rendue plus aimable ?

C’est la cerise sans le gâteau — Maigre collation excuse du peu Tu es plus difficile à approcher qu’une scutigère véloce livrant à tout berzingue des plats tièdes ou un kit SOS Apéro

Tu ne manques pas d’air tiens récupère plutôt le matelas gonflable de ton foutu copain qui a squatté notre salon pendant combien de temps déjà hein combien ? — Tu es un lit de mensonges accueil atonique 7j/7 tiens comme SOS Médecins (dans la salle d’attente c’est le même épisode d’Oggy et les cafards qui passe en boucle)

Je serai devant ma sitcom au doublage atroce qui te hérisse les poils avec les rires enregistrés et donc communicatifs contrairement à toi dont je décrypte les sous-titres tant bien que mal du soir au matin Là c’est ma pause — Et le quatre-heures c’est pour les chiens ? La prochaine fois qu’on s’essayera au tea time rappelle-moi de faire un clafoutis de tes bêtises tu avaleras tous les noyaux enfin j’aurai ta peau »

30.04.22

(le distributeur de glaçons)

« Vivre d’amour et de glace pilée sera fort commode grâce à notre prochain frigo signature multiportes dont deux qui se font face — En attendant tu as laissé la bombe hors de celui-ci que tu recouvres de magnets dégueulasses

Sa capacité est de 529 litres tu te rends compte toutes les réserves qu’on pourra faire ! Damn, de vrais ricains ! — Tu n’es vraiment pas commode Il te manque une case of course et quelques tiroirs in fact

Avec un minibar indépendant en plus ! Je t’en dirai des cheers chéri tu ne pourras plus te passer de sangria à ma façon — En attendant les fraises seront sans crème fouettée ce soir (sans parler de la mayo qui traîne dehors depuis ton intérêt soudain pour le froid statique)

Décidément tu es triste comme un pare-brise qui dégivre ou pire ! comme ce bac à œufs inutile à côté de la moutarde — Permets-moi d’émettre quelques réserves face à tant d’emballement pour un appareil qui conserve simplement tout ce que l’on entame et qui finit ensuite étiqueté au congel parce que c’est trop c’est beaucoup trop pour juste deux »

29.04.22

(la microsieste)

« Tu peux dormir sur tes bouchons d’oreilles faits sur mesure j’ai mis un réveil à 15h28 pour ton cours de Gym Tonic — Mais que tu me rassures as-tu pensé à ton dilatateur nasal anatomique ?

Voilà le hic Tu mens comme je respire c’est maladif — Tu ronfles même quand je trêve… systématique

Le repos aura été de courte durée Tu veux la guerre tu vas l’avoir — J’aimerais seulement un bout de la couverture que tu accapares et pourquoi pas un geste disons macroscopique »

28.04.22

(la plante verte)

« Quoi tu n’es pas toute seule dans ta tête Qu’est-ce que tu cherches à nous dire encore ? — Que je suis très seul dans le décor C’est comme habiter un soliflore

Qu’y puis-je si tu ne sais pas t’entourer Il n’y a qu’à voir toutes ces bougies que tu ne te décides jamais à allumer — Je n’ai pas choisi de rester planté là dans un T2 à moitié vide de toi qui plus est sans balcon ni judas

C’est que tu ne sais pas remplir ton temps libre Arrose donc les plantes avec cette coupe pleine à ras bord — Tu parles de la plante verte celle qui dépérit ou la carnivore ? »

26.04.22

(sous plafond)

« C’est vrai je mène bien ma barque, d’accord j’ai le bras long, mais est-ce une raison pour que je change toutes les ampoules de la maison ? — Le plafond est à peine plus haut que ma tension ainsi que tu m’en fais volontiers la remarque

L’escabeau serait la solution si tu ne l’avais prêté au voisin qui n’ouvre pas quand tu toques parce qu’il est sourd comme un pot ou bien mort — Ce qui est une chance quand tu hurles sur tout ce qui bouge peu s’en faut en tout cas quand tu débloques

Ce qui reste un problème j’insiste pour récupérer ce qui autrefois était en notre possession et qui aurait pu élever le niveau du débat à ce que je vois — Comment peux-tu voir quelque chose dis-moi il fait aussi noir aux cabinets que dans le placard »

25.04.22

(sitôt lundi)

« Je porte la trace de ton regard regarde tellement tu me dévisages — L’occiput a une curieuse façon de remercier l’appuie-tête sitôt remis

Comme si l’on pouvait se reposer sur toi ! tu as toujours mal quelque part — Il faut dire que ta pommette est plus saillante qu’un fusil d’affûtage

Ne nous serions-nous pas croisés hier dans cet autre couloir qui ne mène nulle part ? tu revenais de loin et de profil disons de trois-quarts — Tu dois confondre avec l’isoloir Ce n’est pas la première fois que tu dérailles sitôt lundi »

24.04.22

(un sale quart d’heure)

« Peux-tu approcher la table basse ? j’aimerais étendre mes jambes (que tu les masses) — On croit entendre ta mère ! La contention te rendra ingambe (si tu coopères)

J’ai passé le doigt sur la surface c’est fou regarde la pellicule revient chaque jour à la place du crime — Comment pourrait-il en être autrement ? tu passes ton temps à faire la poussière pire qu’un film qu’on rembobine

Que ne ferais-je pas pour ton allergie oculaire — Reprendre le ménage là où tu l’as laissé par exemple devant la porte attendent plusieurs bouteilles bonnes à jeter »

23.04.22

(le pousse-café)

« Tu pousses un peu là… Café + calva ça ne te réussit pas — On peut bien me priver de repères mais jamais de mon petit remontant ça va pas la tête !

Non linotte ce tête-à-tête ne vole pas haut même qu’il se mord la queue — Tu avais sur le bout de la langue un nom d’oiseau qui te l’aura mordue (ça saigne plus que j’aurais cru)

Tu n’es pas à l’abri vieille branche de trouver l’équilibre à quatre pattes — Je vais te le prouver sur le champ et la huitième latte du plancher que tu as posé à la va comme j’te pousserais bien dans les orties »

22.04.22

(le ramasse-miettes)

« C’est plus tendu malheur que la peau de ma panse — Il est grand temps de desservir je pense et se répartir les crasses

Il faudra finir les restes ce soir au pire demain midi — Ou bien tout congeler avec ce qu’on aura entamé depuis

Vidons ensemble le lave-vaisselle pour à nouveau le remplir — Malheur ! Voilà qu’il me priverait de ma petite tâche digestive ! »

21.04.22

(sous les coups de midi)

« Je vois bien que tu n’es vraiment pas dans ton assiette — Oh c’est bien vrai je suis au bout de ta fourchette

Tu as toujours l’oh à la bouche nom d’un chien — Tu sais bien enfin je l’espère qu’il s’agit là d’onomatopée

Vas-tu finir par cracher le morceau qui rumine oh là là — Tes reproches couvrent même le bruit de la hotte la vache elle t’aspirera un jour… et pffuit ! »

20.04.22

(assaut du lit)

« Lève-toi et sache que tu ne tiens pas debout — C’est que j’ai oublié le repose-pieds en voulant tout prendre en main

Quand tu parles ça fait des bulles à mémoire de forme — Tu sais bien comme chacun sait enfin je l’espère qu’il s’agit là de phylactères 

Pardon mais tu es assis dans mon fauteuil crapaud — C’est tout à fait faux je suis assis sur les ruines du château »

18.04.22

Souviens-toi que tu es soupière et que tu redeviendras soupière.

Tant de meubles nés en kit
et qui ainsi nous quittent
C’est fou ce qu’ils termitent
Ils auront donc fini par se décomposer d’eux-mêmes
Est-ce bien tout ce qu’ils méritent ?
Qu’ils puissent reposer en pied
Ou sur le bras du canapé