10.06.22

1.
Hier ou dans ces eaux-là, ma mère a laissé un petit mot sur une montagne de bugnes tièdes : Je saute dans un train. Besoin de mer. Vous enverrai une carte postale.
Le café était froid, glacé presque (j’en conclus qu’il avait coulé bien avant la préparation des bugnes). Je me servis du filtre rempli de marc comme d’une compresse, une compresse froide que j’appliquai sur l’énorme bugne que je venais de me prendre sur la tête et qui avait formé, non une bosse, mais bel et bien une montagne. Une montagne ! moi qui n’aime que le vague, le fluide, l’horizontal, j’avais une montagne sur le sommet du crâne ! (L’avalanche, elle, était ailleurs ; d’ailleurs inévitable, elle se creusait un couloir du bord des yeux jusqu’en haut du cœur.)

2.
Tes sourcils forment un accent
un accent circonflexe
la cime d’une montagne
de reproches
le signe diacritique
qu’il manque quelque chose

Je ne me risquerai pas, non,
à grimper l’arête de ton nez
bien peu fiable je dois dire
comme tu viens de te le casser
sur le mur qu’il m’a fallu bâtir

3.
Quand je panique un peu (dramatise à peine), on dit que j’en fais toute une montagne. Et quand je m’en fais toute une montagne, c’est double peine ! Aussitôt, réactions en chaîne et chaînes de solidarité pointent et me hérissent ; on m’envoie un tas de bisous, des larmichettes de compassion comme des stalactites ; puis, ô malheur !, une montagne de cœurs ! Enfin, de me couvrir d’une avalanche de conseils, pour me calmer un peu, j’imagine. (C’est qu’on a perdu l’habitude de voir ce qui cède depuis l’apparition des écrans, solides barrages en cas d’épanchement, smiley larmes ou cerveau qui fume.)
Cela dit, comme ça part d’une bonne intention, j’imagine (j’imagine beaucoup), je ne monte pas sur mes grands chevaux dont le garrot, à la base de l’encolure, ressemble franchement (pardon d’insister), mais ressemble comme deux gouttes d’eau à une petite montagne, bon, disons une colline, je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie et, si possible, éviter une deuxième vague de bonnes intentions bien incapables de me remettre à flot comme elles veulent me tirer vers le haut quand je veux m’étendre au contraire ! m’étendre, vous entendez ?

4.
A supposer que j’en arrive au faîte, comment redescendre alors si ce n’est sur les fesses puisque j’ai les jambes en coton — coton grâce auquel je démaquille volontiers le ciel quand il est cerné de noir et que, tout le monde s’accorde pour le dire, ça ferme le regard.

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