Revendiquer le droit au crop top, « nouvel étendard de la jeune génération » si j’en crois les gros titres, n’est-ce pas une façon somme toute moins égocentrique, non plus de se regarder le nombril, mais de voir les autres le regarder à notre place ?
On parle d’étendard, mais c’est une peau de chagrin ! Même en plein hiver, je vois ces nombrils à l’air et j’ai froid, j’ai froid pour eux ; ils ressemblent à de petites grottes quadrillées de stalactites et de flocons dont les branches, ça arrive, prennent au piège le pendentif d’un piercing qui grelotte sur leur passage. Cependant, si je n’étais pas si fragile de l’estomac, peut-être oui, sûrement même, que je m’y risquerais ; après tout, je suis toujours partante pour de nouvelles aventures vestimentaires, mais pas au péril de ma santé, ça non ! (D’ailleurs, le crop top n’apparaît pas dans la liste des astuces pour un microbiote épanoui, proposées par le journal, quelques pages après la guerre pour laquelle on a vachement moins de solutions.)
Et que penser du chandail bedaine, son équivalent québécois ? Chandail bedaine, il fallait l’inventer celui-là. Un mot plutôt long, n’est-il pas, pour un vêtement si court. Un mot capable à lui seul de clore le débat, croyez-moi. Si on l’avait préféré à l’anglicisme, sûr que la mode aurait été tout autre, peut-être même qu’elle aurait fait la part belle aux cache-cœurs et autres cols bien roulés. Décidément, les tendances tiennent à peu de chose ; quelques lettres en plus ou en moins et ça vous change une silhouette !
(Et si vous ne me croyez toujours pas, dites-le, dites-le donc à haute voix, et de préférence en public — Longue vie au chandail bedaine ! Arrêtons de stigmatiser le chandail bedaine ! etc. Mettez-vous-en plein la bouche, plein la panse, de ce mot-là, et vous verrez alors ! Tout le monde, la peau du ventre bien tendue, oui, tout le monde regrettera sa petite laine.)