J’ai lu qu’au Brésil les infirmières remplissent d’eau tiède deux gants à usage unique, les nouent ensemble, puis entrelacent les doigts raides et froids des patients en réanimation. Certains voient dans ces mains jointes un geste tendre, une façon ingénieuse de pallier l’absence des proches ; d’autres, un moyen d’éviter que le manque de chaleur ne fausse les mesures médicales. J’y vois d’abord une planche de salut : je suis allergique au latex. Si je devais dormir à la toute dernière extrémité du lit, ma peau parlerait d’instinct le langage des cloques et des plaques. Aussi marquerait-elle franchement son désaccord. Me voilà donc parée en cas de rapport non consenti avec un corps étranger.
Mais en proie à ces reliefs pointillistes, cette éruption de pustules, ce prurit vivace enfin, qui donc pour me gratter jusqu’au sang ?
Autrement, dans un dernier souffle, j’offrirai généreusement mon corps à la science ! Lequel permettra une approche empirique du braille, bientôt déchiffré sur le bout des doigts. Enfin, c’est un cas de figure parmi d’autres aveuglements.