Elle a changé. Plus rien ne sera comme avant. Elle ne comptera pas ses efforts, je peux lui faire confiance cette fois ! Excepté les trahisons posthumes, on ne peut pas franchement dire que je sois rancunière : j’étais donc toute disposée à la croire sur parole. Et puis, il fallait la voir, dans son rôle de victime, tragique et implorante ! Elle avait tant envie de bien faire, repartir sur de bonnes bases… J’aurais été un monstre si je ne lui avais accordé une chance nouvelle – la lui refuser m’aurait demandé bien trop d’énergie qui plus est, puisqu’il aurait fallu la consoler 348 jours encore.
Un temps, j’ai cru qu’elle avait tenu ses promesses. Plus je la regardais, plus je trouvais qu’effectivement quelque chose avait changé. Quant à savoir précisément quoi, je restais perplexe, ayant toujours eu du mal avec le jeu des sept erreurs (si l’on fait varier les détails, la seule réponse fiable n’est-elle pas que c’est tout à fait différent ?). Ce n’était pas évident, pour ne pas dire tout à fait traître. J’avais l’impression d’être face à cette vague connaissance qu’un jour, sans raison manifeste, l’on ne reconnaît pas vraiment, sans pouvoir dire cependant ce qui perturbe, un ajout ou bien un manque. Est-ce une nouvelle paire de lunettes ? L’absence de poudre aux yeux ? S’agit-il plutôt de la coupe de cheveux ? leur couleur, la coiffure ? Le temps que je me décide, les lunettes ont cassé de nouveau ; quant aux cheveux, ils ont le plus souvent repoussé, parfois même déjà blanchi. Vous l’aurez compris, je ne suis guère sujette à l’effet de surprise.
Ne voulant tirer de conclusions trop hâtives, j’ai encore une fois laissé passer du temps (deux semaines et deux jours, pour être exacte). Après quelques semaines d’observation, c’est indéniable malheureusement : elle n’a pas changé d’un iota. L’année présente ressemble en tout point à l’année 2020 sauf que les deux zéros, pareils aux orbites creuses, auront laissé place à plus d’asymétrie : 2021 est clairement borgne. Un œil clos, l’autre à la pupille verticale et affûtée – celle des reptiles et autres prédateurs en embuscade, qui estiment au mieux la distance les séparant de leur proie, aussi celle qui vise. Au reste, une fenêtre borgne donne du jour mais aucune vue. Décidément, cela ne me dit rien qui vaille.
En guise de traîne, ce petit 1 tout étriqué ne nous avance pas beaucoup, n’a rien non plus d’une fondation nouvelle. Il s’agit tout au plus d’une fente qui me rappelle étrangement celle des portes entrouvertes…
En tout état de cause, le loquet finira aussi par mettre la clef sous la porte. D’aucuns font des vœux ; je laisserai faire l’usure naturelle.