L’écrivain vit dans le genre correspondant à son texte. Il se masturbe dans les règles de l’art (avec grammaire méthodique, carnet Moleskine, stylo bic). Son plus grand fantasme est d’être mis à l’index ou bien porté aux nues, ainsi fait-il crier la syntaxe mieux que personne, dans l’espoir de se faire remarquer. Il s’approche chaque soir un peu plus du tapage nocturne, guette les échos, les plaintes ou les injures, en martelant les touches de sa machine à écrire – en réalité, un clavier sans fil en silicone, tout plat, tout flasque, comme un sein entre les deux plaques du mammographe.
Attiré par des personnes de l’autre texte – celui qu’il n’a pas écrit –, il éprouve aussi un certain attrait pour les êtres imaginaires, parfois son portrait craché, sinon pour tous ceux qui, démonstratifs, jouissent en lisant ses états d’âmes (bien entendu romancés). En revanche, il ressent peu de désir pour les céphalopodes et les scutigères véloces ; absolument aucun – mieux vaut le préciser – pour les enfants en bas âge ou les femmes ressemblant de trop près à sa mère.
Doté à la naissance d’une langue si longue qu’elle atteint sans peine le lac lacrymal, son petit encrier portatif, pourquoi devrait-il se priver de se faire du bien avec ce qu’il fait de mal ? Rien que d’y penser, le voilà de nouveau sur le point de pleurnicher ! Il l’a bien cherché, aussi s’empresse-t-il de retrouver son fidèle carnet.