30.11.20

Je suis dans tous mes états, autrement dit le pire et le meilleur. Il va de soi que je suis constamment dans un état second (et ce, sans un gramme d’alcool dans le sang). Je passe de l’un à l’autre comme je saute du pied droit au pied gauche. J’ai consulté plusieurs spécialistes qui refusent l’idée de piétinement : je souffre tout simplement de rebond alternatif.

Il n’empêche que c’est éreintant. L’humeur grimpe allégrement l’escalier en colimaçon ou, mieux encore, se laisse porter par l’escalateur et, de façon tout à fait brutale, se retrouve dans un monte-charge, avec les encombrants. Elle devient soudain massacrante et, à mon sens, on ne peut que la comprendre.

Loin de moi l’envie de dramatiser, aussi verrais-je volontiers le verre à moitié plein si l’on m’en servait un. Cependant, tous les bistrots sont fermés, et je dois dire que ce n’est pas la mer à boire au risque de passer pour un pilier de bar. En dernier ressort, et dans ma plus belle robe de chambre, je m’hydrate sans modération. À même le goulot, cela va sans dire. Je m’autorise tout, sauf les yaourts à boire, le kombucha et les produits ménagers, parce que je tiens à la vie – surtout à la vie d’après.

Je parcours la circonférence des bouteilles, fais le tour des briquettes – du verre, du polyéthylène téréphtalate, du Tetra Pak, de l’acide polylactique –, découvre de nouveaux pictogrammes, perce à jour de nombreux symboles ; à l’instar de Champollion face aux hiéroglyphes, je décrypte des messages faits de chiffres et de lettres… Exhausteurs de goût, conservateurs, tous me donnent du baume au cœur. Je tiens dans les mains un puits de passe-temps ! Cependant, ces trajets oculaires durent parfois plusieurs heures et, à force de suivre leur pourtour, les bouteilles finissent par me donner le tournis, la plupart du temps sans même en avoir ouvert une seule ! Je pense alors à quitter mes chaussures pour gagner en stabilité ; par habitude, je cherche à m’accouder au zinc, oubliant que je suis déjà dans mon lit. Sainement ivre, je n’ai donc plus qu’à m’endormir, bercée par la conviction que je me réveillerai avec la bouche sèche et le teint terne, et surtout sans me souvenir de la veille. C’est tout l’intérêt de cette histoire que de pouvoir recommencer à perpétuité sans qu’elle ne s’évente, ainsi qu’une liqueur jamais ouverte.

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