Je clique avant de claquer la porte. Quitte mes pénates, traverse à peine la ville jusqu’au service de retrait. Marche droit vers ce que j’ai fait mettre de côté. (Le menu détour n’est plus proposé à la carte, disponible sur commande dans un délai de plusieurs jours ouvrables passés enfermés.)
Sans surprise, on me tend donc le plat du jour – meilleur réchauffé – et une île flottante qui commence à couler. Les serviettes en papier ressemblent à des feuilles humides sur lesquelles on pourrait glisser si l’on s’aventurait encore sous les arbres indociles dont les racines, pour sûr, progressent chaque jour au-delà d’un kilomètre sous terre. Si les couverts en plastique m’invitent au pique-nique, le vent, lui, m’incite à rentrer. Il s’emporte brusquement, me pousse dans le dos, et me rappelle que je ne dois pas m’éterniser. Est-ce à dire que je dois compter sur les autres pour me prolonger ? Dans le doute, je résiste, ralentis le pas, finalement rallonge la marche.
Le vent finit par se calmer. Essoufflé, il se plie à ma lenteur, épouse la forme de ma légère scoliose comme un sac à dos qui n’aurait jamais quitté mes épaules. Tout en flânant, je collecte les minutes, les répartis en petits sachets. Je les offrirai à ceux qui me bousculent.