Celui de sa chemise, le quatrième en partant du col, ne tarderait pas à lâcher prise. Il tremblotait au bout de son fil comme l’angle de ma bouche à la fin du nerf.
Je m’entendis prononcer cet étrange aveu et le regrettai aussitôt. J’aurais aimé rompre le silence de façon moins incongrue, plus engageante surtout, mais faire la conversation me donnait décidément autant de fil à retordre que de repriser, pédaler dans un virage ou éplucher des topinambours. Cependant, l’homme en question ne parut pas s’en formaliser. À l’évidence, il ne s’encombrait pas des formules ou des protocoles, et commença même à disserter sur ses boutons de manchettes, non sans emphase : j’avais donné matière à filer à un fibulanomiste ! J’étais sauvée, et dès lors son otage. Afin de bien les voir, il me tendit ses poignets mousquetaires ainsi qu’un détenu à qui l’on doit ôter les menottes : nul besoin de fil ou d’aiguille avec ces boutons-là. Etre ambidextre pouvait aider, cela dit. Il m’invita ensuite à regagner la pièce d’à côté, en me tenant bien la jambe. Comme il ne m’avait pas demandé d’ôter mes chaussures, je contournais naturellement les tapis.
« Je ne sais pas même recoudre un bouton. »
(extrait)

Le dernier numéro de Pièce Détachée, sorti cet automne, est consacré cette fois-ci à la chemise ! Je vous laisse découvrir le sommaire complet – chemise en terre et chemises de famille, collectionneur de quelques anglaises, faux-cols et ringardise – sur le site de la revue. À noter que Pièce Détachée est aussi disponible en librairie.
Je remercie une nouvelle fois Maud Bachotet (fondatrice à toute épreuve !),
et Manon Fargeat pour la direction artistique.