Ce serait bien un couvre-feu pour l’enfer. Comme un éteignoir sur le pire.
Sinon, il reste ce couvre-lit en velours piqué, le couvercle mousseux de nos bains-marie, et puis mes habitudes tenaces.
Après la nuit, je lirai les lignes de la main sur nos visages.
La couette bave sur le sol tandis que le chat vomit ses poils. Le frigo, lui, digère et dégivre. Le fond d’une casserole brûlé trempe dans l’évier. La bouilloire, restée en veille, maintient au chaud de l’eau tiède. Je sens que je couve quelque chose. Test oblige, je regarde sous le lit. Il est là. Patibulaire et tapi sur le parquet flottant, il attend, fomente, menace et grandit. Je rentre vite les orteils sous les draps, cache tout ce qui dépasse, tête comprise. Le tissu gondole tant la peur est humide. Ne reste plus que l’oreiller pour m’aider à décrire mon visage.
Le ronron de mon souffle couvre quelque chose qui respire ici même. Il sortira quand bon lui semble. Lui n’a que faire du couvre-feu, il se moque déjà bien des veilleuses. La plupart du temps, il quitte sa cachette quand le sommeil arrive enfin sous les vivats des borborygmes qui commencent leur travail. À l’heure comateuse où le cauchemar s’assoupit, où les paupières s’alourdissent et la vessie pèse. Où la bouche devient pâteuse à trop différer la soif. Oui, c’est quand les crampes enfin se relâchent que surgit le monstre, ou bien un hoquet ridicule. Et pour qu’il passe, je dois de nouveau veiller à avoir peur (autrement, j’attends la lumière du jour).
Parfois, quand je retiens ma respiration par le bras, elle me pince en retour.