l’été 2020
Les mouettes rieuses rient. Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil. Cette année, en revanche, l’on comprend mieux pourquoi : elles gobent du gaz hilarant, comme des olives dénoyautées. Un goût de reviens-y. Elles ont le sens de la fête, les mouettes. La nuit, elles organisent d’immenses parties de rigolade en plein air. On perçoit la répercussion de leurs rires, sur le sable, les bancs, le camion à pizzas, le mini-golf, les balançoires… On peut aussi entendre les ballons de baudruche éclater dans leur bec, à moins que ce ne soit leur cœur. Elles auront joué à se faire peur.
Au petit matin, les goélands trébuchent sur des cartouches de gaz, plusieurs mouettes mortes, et ça ne les fait pas rire du tout. Quel mauvais exemple donnent-elles ! Les goélands, eux, ont des objectifs sérieux pour leurs juvéniles. D’abord, leur inculquer le sens du travail. Du travail alimentaire, s’entend : dès le plus jeune âge, ils apprennent à explorer les sacs des touristes qui, de toute façon, ne savent pas apprécier ce qu’ils ont. Goélands, petits et grands, repèrent donc les cabas entrouverts, cherchent ensuite la plus rare des victuailles, goûtent, recrachent, débattent et puis choisissent, enfin dérobent. Ils commettent leurs petits larcins sans inquiétude car les hommes, en vacances, ne font pas attention à leurs affaires, tout fascinés qu’ils sont par la trajectoire de l’ombre du parasol, d’un ballon ou d’un frisbee qui n’est pas le leur, ou celle d’un avion publicitaire faisant défiler, en veux-tu, en voilà, du toro-piscine, du concours Miss Littoral ou des rencontres libertines, mais jamais – jamais encore – la déclaration d’amour que la vieille dame aux taches brunes et à la visière en paille attend pourtant depuis 1952.