l’été 2020
La promenade se voulait apéritive ; elle s’avérait à peine supportable. Beaucoup d’androïdes à éviter et, au sol, un gobelet de taille moyenne. Il avait dû contenir un granité vert pomme, étant donné la coloration prise par le plastique. J’approchai le nez : oui, arôme pomme verte.
Afin de montrer l’exemple aux goélands, je le ramassai – sans prendre de gants. (Dans le feu de l’action, j’avais pensé à la planète avant ma personne.) Le gobelet avait une agréable texture striée. Sitôt dans la main, je commençai à en gratter la surface avec mon ongle. Il me semblait entendre la cacophonie des cours de musique, à l’école. Avec quel enthousiasme alors je frottais mon güiro ! Cet instrument en bois recouvert de cannelures était une promotion : on ne le donnait qu’à ceux qui avaient déjà fait le tour du triangle, mais n’étaient pas tout à fait prêts encore pour le piano à queue.
Quand mon ongle eut fini son petit va-et-vient nostalgique, il fallut reprendre la mission là où je l’avais laissée : je cherchais une poubelle. Il n’en manquait pas, mais la plupart étaient pleines. Je mis donc le gobelet dans la première disponible. Il avait déjà touché le fond quand je me rendis compte que celle-ci était réservée aux papiers. Aux mauvais papiers, précisément. Les poubelles deviennent de plus en plus sélectives, me dis-je. Intriguée, je jetai mon œil gauche à l’intérieur : de la presse à scandale en tapissait le fond. Ça faisait beaucoup de bruit pour rien, comme un chewing-gum.
De toute évidence, ladite poubelle était très mécontente d’avoir à mastiquer un gobelet en plastique au goût de pomme verte (et l’œil sus-cité). Je me ravisai alors, glissai ma main dans sa bouche, heureusement dépourvue de dents très affûtées, et ressortis ce qui était devenu mon gobelet. Il fallait trouver un lieu plus approprié pour ses derniers jours.
(Mon œil, lui, restait captivé par le suicide d’une jeune actrice pleine d’avenir.)