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Je ne savais pas qu’il existait un fétichisme du mohair – de la combinaison en mohair, pour être exact.

La pratique, qualifiée de déviante, m’apparut tout à fait appropriée, pour ne pas dire convenable, étant donné la saison. En hiver, ce type d’accoutrement passerait presque inaperçu, parmi tous les autres emmitouflés. Il faut dire aussi que je ne m’offusque pas facilement ; et tout engoncée que j’étais, à ce point ensevelie sous plusieurs épaisseurs de vêtements thermorégulateurs préalablement réchauffés sur le radiateur de la cuisine, il m’était de toute façon impossible de lever les bras au ciel. Par chance, me déshabiller langoureusement n’était pas dans mes projets à court ou moyen terme ; j’étais, en somme, dans de parfaites dispositions pour découvrir ce monde nouveau, enveloppant, régressif et duveteux…

Je choisis Atchoum85 en guise d’éclaireur. Je le dénichai sur un forum dédié à la « mohairophilie ». Le pseudonyme de cet utilisateur me fit prendre conscience d’un inconvénient majeur (le mohair fait éternuer), et d’une subtilité synesthésique (l’éternuement peut, aussi, chez certains, être source de plaisir). Les subtilités me sont toujours très sympathiques. Encapuchonné de maille verte, il partageait avec la communauté beaucoup de photographies ; images qui ne m’affriolaient guère malgré toute ma bonne volonté…. (N’importe quelle bouillotte recouverte d’une housse moelleuse aurait eu plus de facilités à m’exciter.) Je les observais, ces photos, comme j’aurais feuilleté un catalogue Phildar qui, cherchant peut-être à élargir sa clientèle, se vante curieusement d’être un « créateur de liens »… Pour nos fétichistes, j’imagine qu’il est l’équivalent du magazine Playboy. De même, la mercerie doit être une adresse incontournable, le temple de l’érotisme ! Ils font vivre un certain savoir-faire, de plus en plus délaissé au profit des vêtements synthétiques, ce qui est finalement tout à leur honneur. A titre d’exemple, Lady Mohair, une Allemande élevée au rang d’idole par les fidèles du tricot, a quitté son poste de comptable et peut aujourd’hui vivre de sa passion pour les aiguilles. Sa notoriété est considérable tant elle sait répondre à toutes les demandes : combinaisons intégrales, passe-montagnes, grosses moufles, gros pulls, gros cols, grosses chaussettes, etc. (L’épithète ici soulignée est très utilisée dans la communauté ; elle rappelle aux individus par trop guindés qu’il ne s’agit pas ici de faire dans la dentelle.)

Les premiers frimas sont attendus avec impatience quand on prend plaisir à s’envelopper, à s’enlainer faudrait-il dire, de la tête aux pieds. Cela étant dit, ce qu’Atchoum85 et les autres considèrent comme une « divine matière » représente, pour ma peau réactive, le diable en personne : ça démange, ça peluche, ça migre sur les autres tissus, dans les cils, dans la bouche, s’apparentant alors à du pollen… La nudité – qui me sied pourtant aussi mal qu’un rideau trop grand et trop large sur une toute petite fenêtre par laquelle le voyeur tentera désespérément de voir quelque chose – me paraît plus commode, malgré tout, pour jouir d’une sexualité épanouissante. Quant à l’entretien d’un tel affublement, oser affronter le regard de la personne en charge du pressing, ou s’échiner à le laver à la main, dans la baignoire, quand les enfants sont couchés… Que d’embarras ! Les bras m’en tombent ! La terre est basse ; le désir si haut.

Assurément, ce texte m’aura donné bien du fil à retordre… Je me suis longtemps demandé par quel bout le prendre, celui de la lorgnette n’étant jamais très satisfaisant. En sus, l’écrivain doit s’assurer de donner à ses écrits, ainsi qu’à son lecteur, quelque respiration (l’asphyxie n’est pas une pratique conseillée en littérature). Je déroule souvent les phrases, comme le chat tire sur l’accroc d’une maille ; il semble que la pelote pourrait se dévider indéfiniment…. J’en appelle alors aux mites ; qu’elles m’aident à aérer cette trame, ce tissu de fables ! Si elles pouvaient écrire, elles feraient certainement d’appréciables trouées, et quelques savantes ellipses.

1 Comment

  1. Oui, il existe des fétichistes du mohair, j’en fais partie depuis des années & tente d’emplir ma penderie avec cette douce laine qui m’excite au plus haut point.. & qui s’avère en comparaison d’autres pratiques nettement plus douce, quasi adorable ou sinon nettement plus sympathique ou saine, non ? Je comprends que la masse des névrotiques urbains puisse être sceptique mais je vous invite a + de nature, de sexe, d’humour & encore une fois de tolérance!
    Autant il me faut bien admettre l’appellation disons commune & clinique du fétichisme, autant j’en déplore la connotation (entendue & trop largement comprise comme forcément négative : Mohair oui mais point pervers), quand bien souvent il ne s’agit que d’engouement, d’attrait (même irrésistible parfois ?) mais qui ne conduit pas nécessairement le ou la passionnée à n’user obligatoirement que de cette pratique…. fantasmes mis à part bien évidemment !
    Et sans rien en connaître notez combien quantité déclarent immédiatement qu’ils trouvent folklorique , étrange, bizarre, ou même surprenant, voire rare ou incongru , malsain & même horrifiant (surtout de la part d’un homme ?) qu’il soit fasciné par la douceur, la sensualité que procure la laine, l’angora ou le mohair…. Sans qu’aussitôt soit mis en doute ses goûts, pratiques zou appartenances sexuelles… par la même occasion associé au travestissement, féminisation zé autres dérives supposées.
    Bien que ma mère n’ait jamais tricoté ni songé ou m’obligea encore moins à me vêtir en fille, je puis affirmer n’avoir jamais manqué d’amour ni de tendresse. Peut être qu’effectivement (mais je me garderais de catégoriquement l’affirmer) mes premiers émois amoureux & charnels furent ils combinés parce que la belle portait alors quelque angora chapardé dans l’armoire de sa mère ou qu’un plaid en mohair garnissait le canapé familial ? Peut être aussi qu’écharpe, bonnet zou moufles eurent le bénéfique avantage d’apaiser alors les insistantes nécessités d’une adolescente vigueur ?
    Franchement je ne sais pas, l’ai peut être oublié ou ne cherche même plus à tenter de comprendre pourquoi je suis désormais (plutôt que fétichiste !) un amateur & adepte du mohair.
    Sauf qu’effectivement c’est mal vu, souvent pas accepté ni compris même désormais par mon épouse… qui pourtant trouva cela bien excitant & fort à son goût lorsque j’osais lui exposer & qu’on pratiqua à moufles rabattues ce qu’elle appelle maintenant …mon “problème”. Et bien que je ne souhaite pas toujours & constamment m’envoyer en laine tout deux voluptueusement emmitouflés, ni que d’aucune façon cela devienne une sorte d’obligation (tout comme je n’apprécie pas les “jeux” vaguement masochiste de momification, bondage zé autres restrictions plus ou moins contraignantes… même si acceptées & scénarisées par les deux partenaires), me voila tant frustré que j’en viens à déplorablement fantasmer bien au-delà de mes préférences & convictions !
    Il fut même un temps où, persuadé (par elle !) de l’étrangeté de mes envies & appétits de mohair, je consultais & tenta même d’oublier mon engouement pour d’ineffables parties de jambes en laine. Mais plus je ou l’on essaya de m’en dissuader (ou guérir… comme s’il s’agissait d’une maladie honteuse !) plus au fil (mohair ?) du temps je finis par désirer davantage me glisser en d’exquises tenues brossées & divinement poilues. Et si elle fait maintenant semblant d’ignorer mon attirance pour le mohair, je me vois par son refus contraint, car en cachette, de m’accorder quelques gâteries, certes parfois plaisantes mais finalement bien tristes car solitaires puisque point partagées.
    Or c’est peut être là que réside le danger … de confondre alors tant ses fantasmes avec la simple réalité & désir de s’accorder de temps à autres avec un peu d’humour & beaucoup de complicité quelques jouissifs préliminaires & supplémentaires plaisirs tout en laine. Ne voyez alors dans l’ajout de collant, jambière, pantalon, pull, veste, manteau, bonnet, cagoule, moufle & même d’entière combinaison, string ou capote en mohair que cet indispensable zeste de piment qui souvent rehausse, enflamme davantage les saveurs irrésistibles de la dégustation…..
    Loin de vouloir porter aucun jugement ni moralité sur les pratiquants du latex, du bondage, de la féminisation & quantité d’autres adeptes du fouet, de l’ondinisme & divers autres… curiosités dont la liste depuis la nuit des temps ne manque pas d’imagination, acceptez en l’occurrence pour la laine, l’angora ou le mohair de n’y chercher aucune névrose si ce n’est celle de souhaiter, comme tout le monde finalement, de s’accorder tant pour soi même que pour son ou sa partenaire quelques délicieux & plus intenses satisfactions.
    Juste un brin de compréhension, de tolérance & vous découvrirez peut être dans ce monde brutal qu’essayer un peu de douceur & pourquoi pas du mohair.. c’est courir le risque de l’apprécier & de l’adopter, qui sait ?
    Amicalement & laineusement votre, Mohair d’Amour.
    Ps : D’avance merci pour votre bienveillante & courtoise lecture en espérant qu’en mots choisis & allusions somme toute… galantes je n’aurai choqué personne & qu’alors vous accepterez mon témoignage… ou serez tenté d’en faire l’essai & peut être d’y succomber à votre tour !!!!.Ce qui aurait aussi l’avantage que vous sauriez alors de quoi l’on parle, plutôt que d’immédiatement juger ou critiquer sans même en avoir eut l’expérience ? MdA

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