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Je ne sais pas pour qui voter. On entend cette phrase à longueur de journée si bien que l’on en ressent presque un sentiment de fraternité : la communauté des indécis, la communauté des résiliés ! Télé-réalité, réel téléguidé, jeux de société… Il semble primordial de s’allier, voter, sonder ; mais l’eau est de moins en moins profonde, et l’immersion aussi ridicule que la tentative de plonger un apnéiste palmé dans des fonts baptismaux.

Sur les marchés, que l’on m’en tend des papiers, des programmes, des visages illuminés… Ils se présentent tous comme des phares dans la nuit tandis que je ne m’éclaire qu’à l’aphasie. Le cœur de debout la France insoumise en marche vers pour le peuple la volonté debout en marche vers, vers ? J’ai besoin de m’asseoir. Toutes ces invitations à avancer me coupent les jambes et ma verticalité. On me rappelle que l’élection approche et qu’il faudra faire le bon choix ; les soutiens, eux aussi, font leur marché. Des étals de voix, un saladier, un débat télévisé. Lorsque les maraîchers remballent, vers treize heures, on découvre alors tous ces fruits et légumes tombés en grappes comme les sondages, écrasés, abandonnés, pour certains récupérés.

C’est sûr, la voix a bien porté ce matin, sur les halles. C’est la pleine saison juteux à souhait venus par avion dur comme du béton cœur de bœuf lait extra frais deux pour le prix de trois maintenant ou jamais viande ultra tendre vous vous ré-ga-le-rez… J’entends encore leurs voix, leurs voix qui parasitent la mienne, un bourdonnement dans mes tympans, peut-être même jusque dans l’oreille interne, que je sais sensible aux variations de pression. Je ferme souvent les écoutilles pour m’écouter, et j’entends alors cette interrogation d’infans : si l’on donne sa voix, la perd-on ?

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