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Je ne savais pas que le peuple huichol, installé dans l’État de Jalisco au Mexique, pratiquait un rituel très particulier lors de l’accouchement. Conçu avant tout comme un moment de partage absolu entre l’homme et la femme, il se déroulerait comme suit – du moins, c’est ainsi qu’il est représenté sur les tableaux en fil de laine, appelés tablas, caractéristiques de leur culture (réelle ou fantasmée, je ne me prononcerai) : puisqu’elle ne doit pas souffrir seule durant l’expulsion – parfois appelée poétiquement « l’entrée dans le monde » –, la mère tient fermement les testicules du père par l’intermédiaire d’une corde qui les enserre. Elle est invitée à tirer dessus à chacune de ses contractions afin que la douleur agisse de concert. (Compréhensif, le rituel huichol autorise la consommation de peyotl, un cactus aux propriétés hallucinogènes.)

Les heureux parents pourront s’enorgueillir d’être restés unis pour le meilleur et pour le pire, d’avoir véritablement engendré ensemble leur progéniture (même s’ils étaient installés à des étages différents). Après qu’on eut été littéralement pendu à ses parties génitales, j’imagine l’homme suspendu aux lèvres de sa femme pour un certain temps… Le choix du prénom en sera grandement facilité. Désormais castrat, étouffé par sa pomme d’Adam finalement escamotée, le jeune papa sera peu enclin au débat, et ne cherchera guère à imposer son avis. Quant au nouveau-né, plongé in media res dans l’angoisse de castration, il s’accrochera aux tétines de sa mère et à l’idée qu’il pourrait choisir de ne jamais muer.

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