Je ne savais pas qu’un AVS était un Auxiliaire de Vie Scolaire. Moi, ça me faisait surtout penser à AVC. Tel est le problème avec les acronymes : ils tendent vers l’illisible, sont clos et froids ; des blocs hermétiques qui se pensent invincibles. A trop vouloir réduire les mots, il ne reste plus d’espace pour le sens. En effet, l’acronyme n’interdit-il pas le dialogue ? Peut-on seulement rebondir sur une surface coriace et empesée ? Les mots dépaquetés, amples et développés, eux seuls sont trampolines. Sans doute le RGO a-t-il un brin plus d’élégance que le Reflux Gastro-Œsophagien et l’OPCT semble-t-il moins dangereux que l’Objet Piquant Coupant Tranchant… Quant au problème des Zones Urbaines Sensibles, le réduire à trois lettres en minimise l’ampleur et permet certainement de procrastiner la décision les concernant : il est impossible de réfléchir sur ce qui n’est pas énoncé intelligiblement. D’ailleurs, que peut-on faire d’un fichier informatique compressé si ce n’est le déployer ?
J’imagine que les acronymes aident les moins téméraires à construire tant bien que mal un discours. Le TV, par exemple, épargne le locuteur de s’engager sur la pente glissante du Toucher Vaginal. La langue ne prend plus de risques, la langue ne prend plus le temps. Il est urgent d’atteindre et d’éteindre l’essence. Si l’abréviation est, par définition, le procédé par lequel on obtient une représentation graphique tronquée, mais suffisamment claire (je souligne), d’un signe plus long, l’acronyme, lui, est un sigle plutôt obscur, censé se prononcer comme un mot ordinaire sans épeler les lettres – de quoi mettre au défi l’inclinaison de notre palais et la dextérité de notre langue lors de la diction de certaines successions de consonnes.
Les salariés sont évalués sur des échelles, on propose aux élèves des QCM ; on signe des contrats dans des établissements munis d’un SIRET ; on exerce des métiers qui, du moins sur le papier, se réduisent à un code ROME – mon futur emploi se caractérise par le code K2104, la lettre K renvoyant aux « Services à la personne et à la collectivité » de façon tout à fait arbitraire. Une fois le contrat en main, il faudra prévenir la CAF afin qu’elle fasse le nécessaire pour les APL et le RSA. En parallèle, il faudra travailler sur ses TOC et ses TAG à grands coups de VM et de MBSR ; et, en toutes circonstances, rester OKLM (bienvenue à l’intrus de la liste : il en faut toujours un) afin d’éviter les AcVc…
Je sursaute : mon téléphone, coq moderne, chante CUI-CUI ! Il est donc l’heure de mettre un terme à cet inventaire, et de partir vers mon Unique Chance d’Insertion.