Je ne savais pas d’où provenaient ces indémêlables lignes dessinées sur la peau veloutée de la pêche blanche, sortie hypoglycémiquement du bac à fruits et légumes. Avec la gestuelle d’une danseuse de flamenco, je fis tourner le fruit-castagnette devant mes yeux fascinés, qui devenaient progressivement deux soleils. Comprendre. Mettre en lumière. Soudain, je le vis : un bébé escargot, un parcoureur tout-terrain. Je lui en voulus, de pouvoir faire le tour de sa terre en une circonvolution, sans changement de fuseau horaire, et sans même devoir quitter sa maison quand, apeurée par le vertige de l’insaisissable, je me cloîtrais dans des espaces de plus en plus petits (un appartement, puis telle pièce de cet appartement, puis finalement tel îlot de cette pièce, souvent le lit ou le canapé ; toute surface permettant plusieurs positions afin d’éviter les crampes).
La rancœur ne dura pas : très vite, je l’adoptai et lui témoignai toute ma gratitude. Ce n’est pas tous les jours que l’on trouve de la vie – mobile – dans un frigidaire : il sera mon compagnon pour le repas. J’allumai les chandelles – c’est-à-dire deux bougies parfumées censées lutter contre les odeurs de nicotine – tandis qu’il refaisait le monde, à sa façon. Lentement mais sûrement. Je pus aisément le rattraper et ce fut une douce rêverie jusqu’au noyau, que je lui léguai, en guise de première vérité à glisser sous sa petite coquille, encore transparente.