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Je ne savais pas que le millepertuis était considéré au Moyen Âge comme un chasse-diable, ou encore, un chasse-fantôme. Je n’ai jamais compris le rapprochement opéré naturellement entre le diable et le fantôme : si l’un hante, l’autre berce. Ni rêves ni cauchemars, me promet, chaque soir, maman-spectre – dans sa tête, un carnaval de confettis : sous le drap blanc, seulement la fête.

On vient de m’en prescrire à forte dose, de cette plante que j’imagine perforée par une sorte de poinçonneur des lilas, reconverti pour l’occasion. Je m’interroge : si on éloigne fantômes et diables, qui me tiendra dorénavant compagnie, me fera peur et plaisir ; qui pour me faire la courte échelle afin d’enjamber les mauvaises herbes, le trou de verdure, les chrysanthèmes ? Y’a de quoi devenir dingue, y’a de quoi prendre un flingue. Un dernier petit trou. J’hésite à avaler les cachets. J’hésite d’autant plus que je n’ai pas vraiment été rassurée par ce médecin qui décore la salle d’attente de son cabinet avec des peintures de clowns, et qui met à disposition des livres pédagogiques sur Dieu, l’amour christique, les vertus de la foi… J’ai toujours eu peur des clowns aux intentions absconses et aux sourires figés. Je n’aime pas ce qui masque. Je n’aime pas ce qui endort. J’admire l’intérieur de ma paupière. Et sous mon ciel de faïence, je ne vois briller que les correspondances. Sur le quai de la beauté, je monterai à bord du scaphandre, et la pénétrerai.

Finalement, je privilégierai l’ordonnance de Cesare Pavese ; il me forme au métier de vivre – y’a pas de sous-métier.

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