Ils ne savaient pas si se revoir était une bonne idée : le déluge de pleurs, les cris électriques et les injures acides du matin même n’étaient guère de bons présages pour la suite de leur relation. Il faut dire que l’un comme l’autre a plus de facilité à claquer les portes qu’à entrouvrir celle du dialogue, et révèle systématiquement sa nature tyrannique lorsqu’il s’agit d’amour. Pourtant, il faudra bien se décider : ils ne pourront rester éternellement campés sur les positions branlantes et inconfortables du ressentiment, et doivent aussi prendre en considération leur entourage, lequel serait anéanti par l’éclatement de cette récente harmonie familiale. Tout le monde s’était immédiatement attaché à ce couple improbable : une trentenaire et un immature… Comme souvent, la femme ferait le premier pas pour recoller les morceaux, moins par choix que par pragmatisme : l’heure de la sortie des classes arrivera immanquablement et, alors, elle devra réceptionner son petit immature, en liberté conditionnelle dès 16 h 30. Du reste, l’école n’hésitera pas à lui téléphoner si personne ne vient chercher le petit colis, tantôt fragile, tantôt despote ; impatient, pour l’heure, de pouvoir à nouveau exercer ses talents de tragédien face à sa dramaturgique maman aux mamelles bien plus appétissantes encore que celles de Tirésias. Ah, quel couple, une louve et son loupiot !