Je ne savais pas qu’en Afrique du Sud l’on trouvait deux fois plus de lions en captivité que de lions libres (ce qui, dans un monde qui tournerait rond, aurait sonné comme un pléonasme). La dénommée « chasse en conserve », qui doit moins à Warhol qu’aux taxidermistes immortalisant a posteriori la dépouille, y est, en effet, un commerce très lucratif : on drogue un lion élevé dans un enclos aux allures de savane ; on le gave chaque jour comme une oie afin qu’il soit en perpétuelle digestion, et donc suffisamment somnolent pour n’avoir, ni l’envie, ni le courage de se défendre ; on dispose, le jour fatidique, une carcasse de viande en guise d’appât, juste en face du véhicule duquel l’intrépide « chasseur » sera même dispensé de descendre ; enfin, on tire. Pour la maudite – pardonnez-moi, modique – somme de 6000 euros, on se voit servir une bête qui n’a plus rien de sauvage, sur un plateau. Vous trouverez sur Internet des sites fort bien conçus où chaque proie – lions, mais aussi buffles, phacochères et hippotragues – dispose d’une fiche descriptive communiquant sa taille, son poids, sa taxe d’abattage ainsi que le taux de réussite de celui-ci. En guise d’exemple, le « lion à crinière » promettrait « une très belle chasse à la rencontre ou au pistage et une réussite à 90% (sur les cinq dernières années) ». Si vous avez moins l’âme d’un traqueur que celle d’un bienfaiteur, vous pouvez aussi devenir bénévole dans ce type de structure et, ainsi, être persuadé d’œuvrer pour la sauvegarde d’espèces qui auront passé toute leur vie à l’affût de sa saveur.