On ne sait plus quoi inventer pour faire vendre. Tandis qu’en vain, je cherchais un classique rouge à lèvres carmin, je découvris qu’appeler un chat un chat n’était plus suffisamment tendance, surtout en matière de coquetterie. Le nom des couleurs était systématiquement remplacé par de libidineux anglicismes, destinés à séduire la gent féminine. Par ordre croissant d’indécence et de ridicule : Hot tango, First night, Sangria desire, Super hot, Sexy game, Unfaithful, et – ils ont osé – la teinte Cougar. Quant à l’onomatopéique Mmmm…, il ne mérite pas d’être listé ci-dessus tant je juge son taux de malchance anormalement élevé pour un tout juste nouveau-né. Cette teinte, toute nouvelle, donc, souffre d’une dichotomie flagrante entre son appétissante appellation et sa couleur effective ; couleur littéralement repoussante, sauf, j’imagine, pour les fétichistes des panneaux de signalisation fluorescents (si ceux-là existent).
Cela étant dit, je tiens à interpeller messieurs les professionnels de la communication concernant cet épineux sujet, tant labile que labial. Si je puis me permettre, vous devriez lire d’un peu plus près les ouvrages de Michel Pastoureau, pour qui « la couleur est une idée » – c’est-à-dire une bonne idée –, et davantage vous pencher sur la psychologie féminine. Voici, « en exclusivité », quelques évidences : déjà, une femme ne supporte pas d’être préalablement ciblée, et pourrait fort bien apprécier le rouge Cougar tout en ayant vingt ans, ou le Hot tango en étant piètre danseuse ; ensuite, ce qui risque de rendre vos connotations lubriques un tantinet obsolètes, elle choisit rarement de se maquiller les lèvres lorsque celles-ci risquent de servir, et, à l’inverse, a volontairement la main lourde sur la texture quand elle n’est pas d’humeur à donner des baisers (on sait toutes que les hommes n’aiment guère les transferts, sauf, peut-être, les psys… et encore, pas tous).