Le dimanche j’allais donner des cacahuètes au capucin à face blanche du zoo de Fitilieu ses doigts tout lisses et tout frais adhéraient à mon pouce comme maniques en silicone puis le serraient
ça me rend triste maintenant quand j’y pense mais à l’époque on appelait ça une sortie en famille au lieu de rester enfermés toute la journée on allait passer un bras à travers les barreaux
extirper la caresse
Papa dans la voiture finissait les cacahuètes du sapajou Maman commençait à se demander ce qu’elle allait faire à dîner moi je voulais juste avoir le droit de me servir des maniques antidérapantes
Bien sûr qu’il a du cœur c’est sous vos yeux sur l’étal entre le ris et les bas-morceaux
et s’il fait ici et là quelques entailles elles ne sont jamais plus larges non que le sourire qu’il déploie en pensant à ses premières amours — leurs initiales gravées au canif sur des os à moelle
Après la corvée les carcasses c’est en peignoir qu’il fume jusqu’au purin son cigare Aristocrat
— seule la tripe fait passer le goût des entrailles, disait son père
Il lui aura tout appris pourquoi les tabliers sont rouge vif sitôt projetée où disparaît la tache surtout faire dégorger les amourettes avant de les blanchir
Es-tu là en veux-tu du genou de la nuque du sourire canaille du creux poplité de la fosse cubitale des clavicules des chevilles qui s’attrapent des chevilles qui se tordent des parfums des paupières des centimètres carrés de hanches de cuisses blanches d’yeux tantôt noirs tantôt bleus en veux-tu en voilà de la carne mais pas que des cris du repos des vives aussi des arbres indiscrets un lit de rivières une envie de pisser mais pas que de fausses larmes d’oignon mais pas que de l’ennui des fantasmes de la vie quoi dans les plis des lieux inexprimables — mais on va essayer de bien s’exprimer quand même bien entendu
LE 19 JANVIER. 20. GRENOBLE
Pour s’assurer de pouvoir mettre les coudes sur la table ➡️ https://www.helloasso.com/associations/les-machines/evenements/la-nuit-de-la-lecture-2024-esprit-charnel
L’absence ne devrait pas excéder le poids maximal des cabines et des soutes je fais le total haut long large et j’obtiens que dalle — nous sommes en règle
et quand je mets les voiles c’est en guise de virgules le long de mes phrases que je ne finis jamais ou presque
c’est la moindre des pauses,
signe qu’il faut respirer à cet endroit,
ça, personne ne peut le faire à ta place
côté fenêtre salle basse
et puis impunément traîner la voix
c’est comme une casserole dont le fond brûle je crois
Dehors les gens font les yeux ronds mais pas assez pour calculer l’angle entre deux rayons
Parfois je fais un labyrinthe d’une ride d’expression
On trouve encore la trace de mes ongles dans un second degré C’est le tout premier que je cherchais
Des paupières comme armoires à rideaux Dessous est archivé ce que je n’ai jamais ouvert
Je démentirai ma parole avec le café d’hier sans plus d’amertume sans aucun goût si je résume un jus de chaussettes orphelines ça fait miskine mais c’est sans filtre
Dehors les gens font les yeux ronds mais pas assez pour saisir leur degré d’étonnement
Tout semble aussi vrai qu’un film à effets spéciaux C’est au montage que j’insère puis resserre ce qui a manqué de me surprendre
Et voilà que des nuages sortent du hublot – trop de percarbonate j’imagine ou bien j’avais essuyé trop d’images avec ces torchons
Parfois je fais un vrai foutoir d’une bonne intention
Il suffit parfois de laisser les fenêtres ouvertes
Dans la cour – sifflotement d’un voisin – l’éboueur peut-être. Il sifflote ce que j’ai dans la tête. Au saut du lit je me dis que ça va trop loin ; il n’est même pas sept heures dix-sept.
Puis je finis par reconnaître la mélodie : Chemicals over the country club de Lana Del Rey. C’est un morceau que j’écoute plusieurs fois par jour – et très fort il est vrai – pour me faire taire d’abord ; ensuite me faire chanter ; parfois je me fais entendre et c’est toujours ça de gagné. Comme le bonus track d’une édition limitée.
Si j’ai une très bonne ouïe, l’entendement parfois pèche un peu. C’est du moins ce que souvent l’on m’a fait remarquer et c’est toujours ça de fait.
Il suffit parfois de laisser les fenêtres ouvertes pour qu’un écho les traverse, il est vrai. Il est vrai comme il sifflote cet air que j’ai dans la tête. Et ça ne va jamais assez loin dans l’aération, c’est ce que je pense quand s’essouffle la journée, tout enroulée déjà sur une taie d’oreiller en soie – en soie, ça froisse moins la peau il paraît et c’est important de l’avoir bien repulpée pour que les doutes y rebondissent avant sept heures dix-huit.
Puis je referme les ventaux en parfaite symétrie – à l’instar du chat des voisins, qu’il ne retrouve pas si vite la sortie.
Et comme j’ai vendu un meuble, demain dès l’ouverture je pourrai changer de tête
Aujourd’hui je passe l’après-midi dans un tunnel. L’infirmière est une femme charmante qui m’étudie sous toutes les coutures sans jamais s’offusquer, et puis elle a la solution.
Elle me dit « Je vous injecte le produit de contraste » puis il apparaît que c’est très flou. Elle met dans ma main un bouton que je n’ai pas à recoudre dieu soit alloué, mais à enfoncer en cas d’urgence. Je vois pas vraiment ce qui peut m’arriver de mieux comme je suis déjà allongée avec un coussin sous la nuque et un autre pour le creux poplité. Je vois pas grand-chose, faut dire. C’est peut-être ça, l’urgence. Et de commencer à penser fort à l’horizon pour ne pas penser au bouton.
Ombres et flashs finissent par me confondre. Dans la salle d’attente, un patient dit à son accompagnant qu’il veut une histoire cent prises de tête — ce doit être une histoire à rallonges qu’ainsi l’on recharge sans jamais quitter le canapé d’angle situé à l’opposé de la prise de terre nécessaire rappelons-le à la dispersion des charges statiques, et je file l’image par résonance magnétique. J’espère qu’ils n’ont pas scanné tout ça car ce serait du plagiat.
Finalement je vois le bout du tube LED et l’infirmière me répond « Oui bien sûr vous pouvez quitter la ville si c’est une urgence vitale on vous appellera de toute façon ». J’hésite sur la façon de ponctuer cette phrase, ce qui changerait diamétralement le sens de l’urgence.
La secrétaire n’est guère charmante. Ma présence semble la contrarier alors que je me suis rarement sentie aussi inconsistante, et puis elle mâche un chewing-gum. Elle réclame ma carte vitale ; je lui tends ma carte bleue mais elle me dit que tout est pris en charge. C’est la verte, qu’elle veut. Soudain l’envie de me faire porter pâle. Je lui donne tout ce que j’ai pour qu’elle fasse elle-même son petit marché comme les personnes âgées tendent aux commerçants leur porte-monnaie parce qu’on n’a plus le temps d’hésiter à la fin — prenez donc ce qu’il vous faut. Elle me rend toutes les cartes de fidélité en précisant « Ça, j’ai pas besoin ».
Aujourd’hui je passe l’après-midi chez l’allergologue — c’est un homme charmant qui étudie la moindre de mes réactions sans jamais s’offusquer, et puis il a la climatisation.
Il me pique bien à certains endroits mais il a là mon autorisation. Je suis venue pour ça et, comme il ne s’aventure pas au-delà de l’avant-bras, je ne sens pas grand-chose. Je finirai cependant par avoir des cloques et quelques démangeaisons. Lui me dira que c’est bien ce qu’il pensait. Enfin il prendra ma carte vitale et cette fois je n’aurai rien à payer.
Chaque piqûre est délimitée au feutre indélébile comme le tir d’un sniper. Je suis en proie à l’envie irrésistible de percer les bulles d’air de l’emballage que je constitue alors. Il me dit Si j’étais vous, j’éviterais. Je n’en attendais pas moins d’un spécialiste.
Très heureuse de voir figurer les blancs de ma conversation avec le ciel dans le cinquième numéro de la revue numérique Hélas!, portée par Matthieu Limosino. Disponible en libre accès pour faire scroller cirrus et cumulus sans dérégler davantage la météo.
On appelle ça l’albedo d’accord Tout corps réfléchit une partie de l’énergie solaire qu’il reçoit Soit. Certains plus que d’autres certains carrément plus que d’autres certains même l’absorbent la gobent l’engloutissent la digèrent l’assimilent — c’est ce qu’ils croient — puis le dégueulent sur les couleurs froides C’est bien ma veine ça va finir ça va bien finir par rejaillir sur moi — c’est ce qu’ils disent — J’appelle ça l’optimisme à gogo une tyrannie dont on parle moins aux infos il n’y a pas mort d’homme là d’accord mais certains vivent quand même un peu trop
Je choisis l’optimist’ qui dérive en solo
Mes idées sont pas forcément brillantes Je ne suis pas toujours lumineuse mais au moins je n’éclabousse personne
Un jour je me suis levée non pas de très bonne heure je dirais à l’heure à laquelle je me suis couchée et j’ai décidé que jamais plus je ne dirai : parce que pourquoi pas j’ai pensé j’ai pensé j’ai mes raisons (fort peu) ainsi resteront-elles non justifiées comme un retour à la ligne seulement je ferai de mon mieux et la poésie de façon à ce que les marges de droite et de gauche soient irrégulières à ma façon comme les lasagnes della mamma — dentelle des gestes et de la mortadelle — enfin faire ma petite cuisine ne plus donner aux lignes la largeur requise mais quelque longueur en bouche
Enfin perchés sur la tour Madeloc après des heures de marche et de panégyrique, nous ressemblions moins à de grands poètes qu’à de la petite friture.
Assoiffée, je fis remarquer comme la Méditerranée ressemblait à une pleine bouteille alors – non, plutôt des dames-jeannes de curaçao renversées : une immense flaque couleur E133. De toute évidence, l’heure n’était plus à l’emphase mais bien à celle de l’apéro – de l’opéra ? je ne sais plus trop.
Les souvenirs ne sont pas faits d’huile et d’eau ; ils se mélangent, sans me méfier je les bois au goulot, puis je décuve. Peu à peu ça s’évapore. Un flash et je me dégrise : un jour quelqu’un a tenu à me tenir les cheveux et j’ai veillé à ne pas salir ses chaussures. C’était un peu dégueu. Ou vachement beau, je ne sais plus trop.
Puis je n’eus plus rien à rendre que les clefs.
Nous avions tout bien nettoyé, c’était comme s’il n’y avait rien eu.
En ce jour ascensionnel où JC a quitté ses fans pour rejoindre le dernier étage, au-dessus des loges et des balcons, il est bon de rappeler que paradis et poulailler signifient, au théâtre, absolument le même espace :
Là où se trouvent les places les moins chères.
Aussi les plus éloignées de la scène. Laquelle devra rester floue, donnant finalement en spectacle un aperçu de la si mauvaise posture où se trouve le père DD !
Je retrouve le nord en rejoignant mon sud et vous défends de me penser à l’ouest car j’ai l’esprit leste au contraire Même qu’il sait faire le grand écart jusqu’au pôle de ma langue que je donne aux rats
Aux rats uniquement
Les rongeurs sauront quoi faire de ce qui ronge ça me semble évident pas besoin de chercher bien loin pour comprendre ça soit dit en louvoyant
Et si je vous ai perdus, c’est que j’aurai fait de mon mieux
Vue d’ici la colline pareille à la calvitie qui nous surplombe tous tandis que j’extrais le plomb dans l’aile – somme toute deux et le mets dans ma cervelle la seule (c’est suffisant)
Comme disait Perros Georges de son prénom prendre l’air était son métier le seul mais pas tout à fait le dernier d’après l’épitaphe – ici collée sur la pierre qui dit encore après lui
Si j’ai assez peu d’obligations en ce bas monde, c’est pourtant dès l’aube que je sors du lit pour rejoindre le superposé. La pente est raide mais j’ai des horaires à respecter ! Imaginez un peu, la discipline de fer qu’il faut chaque matin, pour ne rien faire d’autre qu’un point du jour, de la nuit une suspension et une conversation de tous les silences d’après midi.
En somme, je gratte toute la journée aux portes qui finissent par s’ouvrir quand arrive l’heure des relectures de chevet. Où je barbote. Trie sur le volet entrouvert. Le chapitre est clos, moi non plus. Je suis dans les temps — je me demande lequel ; l’un d’eux passe et repasse plus que parfaitement sous mes yeux.
J’avais fini par regagner ma confiance à l’unanimité moins quelques abstentions, que formulent en creux tous ces espaces. Oh je la perdrai à nouveau, c’est sûr, lorsqu’il faudra numéroter les pages et faire du brouillon une ultime épreuve plutôt que cette gentille baballe qui manque tendrement sa cible. Rapporte à ton maître, allez, rapporte. Et bien sûr je me lève. Bien entendu, je ramasse. A nouveau je me lance. Et maintenant vous pouvez relire le premier paragraphe, ainsi prendre conscience du dernier degré de ma cohérence.
Ses poignets sont si fins, c’est vrai qu’on pourrait y glisser une bague comme à la patte des oiseaux. Oui mais voilà, il manque de souffle tout étranglé par son jabot Muet allait rester l’appeau
je n’ai pas d’autre corps que du texte à proposer cette nuit celle d’après quasiment s’entrechoquent
je suis fête de chair à canon – polyphonique tu m’entends ?
c’est ma voix la première qui entre dans le chœur puis tu m’imites et je m’en moque à l’unisson
comme je suis la chair de ma chair à canon – poly phonique j’entends
nota benepidermique ce petit poème bon à scander fut écrit avec l’urticaire géante ainsi ajustée parfaitement à ma taille et jusqu’au bout des ongles que je dédouble soudain allergique aux trémolos de ta voix sinon l’antibiotique
En anglais, un rencard, c’est un date : mais celui-ci fera-t-il date ou paraît-il déjà bien daté ? Réponse à la prochaine update, j’imagine.
Si ça rame, je sais qu’il faut vider la mémoire cache, supprimer tous les fichiers Prefetch, ceux avec une extension «.pf » comme pompes funèbres – à chacun ses fantasmes mnémotechniques – mais ici avec le bénéfice des raccourcis clavier. Logo + R ouvre une boîte de dialogue – une logorrhée, quasi. Ensuite, quelques combines avec la touche Entrée et puis de vous exécuter. Voilà que toujours le même disque a déjà plus d’espace !
Vraiment, l’antidate n’est pas un antidote comme les autres : naturellement efficace, elle me donne après coup l’illusion d’être maîtresse du temps, faisant de lui un amant comme personne.
Il faudrait songer à « mieux retracer le parcours criminel des multirécidivistes », indique le parquet. Mais qu’en est-il de l’universaliste en puissance ? Lequel poursuit en toute bonne foi son petit bonhomme de chemin, chaque jour que dieu fait, n’est-ce pas là du harcèlement, à la fin !?
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le radeau pâtit d’une si mauvaise réputation. Doit-on vraiment le condamner si vite ? Est-ce bien sa faute s’il croule sous les présomptions innocentes de ceux qui le pensent encore capable de supporter tout le malheur du monde ? Mais oui, mais oui, parfaitement il est insubmersible, si tant est que personne ne s’acharne à lui grimper dessus !
Minuit. Le Vélib’ redevient citrouille, la roue libre de se planter. Un couteau, une seule fois j’en ai croisé, il m’avait aidée à couper court à la conversation et la frange qui tombait alors sur mes yeux. Depuis, c’est vrai, je vois mieux le danger. Tourne le dos aux miroirs. Fuis les espaces clos et les lumières criardes. Repère la porte la plus proche, la fenêtre la plus large. Enjambe quelques carcasses, piétine une ou deux caricatures. Évite ce qui tourne mal, le rhum, la politique, les œillades. Laisse à nouveau pousser une frange – rideau. Je projette sur la nuit toute la veille.
Comme je suis de nature frileuse, un inconnu – méconnu je suppose – me prête un vêtement. Une veste réversible sans étiquette ni motifs : c’est la peau d’une autre. Je l’endosse. C’est que j’ai l’habitude d’avoir toujours une petite laine, un petit rien sur les épaules, alors un quiproquo ou autre chose… Tant que je m’y retrouve. Et je m’y retrouve. Le frisson, lui, va voir ailleurs. Je pense si fort, on parle si haut, personne ne s’écoute. On me prend la main dans le sac. Bon sang, où sont passées mes clefs ? Je veux aller ailleurs moi aussi, voir si j’y suis mieux. J’aurais dû suivre le frisson dans mon dos. Je me dérobe à la situation quand d’autres s’habillent pour l’hiver, taillent une bavette, des costards, enfin une route infranchissable entre leur bouche et la mienne. Cependant je veux en découdre avec la lune pleine, rien qu’avec elle.
Minuit et des poussières. J’y suis presque. Contourne les réverbères ; me fonds dans la pénombre où des gifles se perdent. Une ombre me fait une queue de poisson. Un livreur, athlétique, sème derrière lui l’effluve de la malbouffe et du sale boulot ; j’aurais préféré un parfum bon marché, voire l’odeur du bédo. Les trottinettes cavalent comme autant de poulains jamais débourrés ; les scooters, eux, échappent à l’entendement et aux sirènes. Des meutes, des meutes nyctalopes. Leurs pupilles sont des phares. Mes phares dans la nuit quand je rentre à pied là où douilles et baïonnettes sont vides.
Rôle-titre, mauvais rôle, je retourne cette peau comme elle est réversible ; constate que la doublure protège aussi bien que la couche imperméable. Imperméable, je suppose : il ne pleut pas, on dirait qu’il ne pleuvra jamais plus – le ciel aura fait burn-out à notre insu. Les souliers pourtant ouverts se changent en étau. Rien ne sert de courir, tu n’en perdras point. Pas un seul, pour sûr. Je ne fais plus qu’un avec le cuir d’agneau. J’hésite entre bas-côté et grands boulevards. J’opte finalement pour la Traverse des Îles comme j’imagine qu’elle mènera plus vite au havre.
À l’horizon, une rutilante silhouette. À vrai dire, c’est plutôt une tache de couleur vive : érubescente. Un chevalier servant. Desservi peut-être ? Je suppose mieux que je ne distingue. La nuit, tout est crédible. Ainsi monte-t-il la garde en habit de lumières électroluminescentes. Il répond en tout point à mes attentes comme il me dit quoi faire. Patiente, j’attends mon tour, ouvre l’œil pareil à la lune reine. Enfin, je le fais rougir davantage comme je lui obéis à la lettre, volontiers soumise à la lenteur. Je suis l’essence même de l’immobilité urbaine. Cependant mon prince écarlate s’éteint quand apparaît son complice ou bien son rival, que sais-je. Toujours est-il qu’un petit bonhomme vert pomme de discorde prend sa place et me dit d’avancer, qu’on ne va pas y passer la nuit. Mais quel âne ! Je lui mettrais bien sur le dos deux trois poèmes, brave bête de somme. Je lui apprendrais même à piaffer sur les seuils, compter les syllabes avant l’obstacle de la langue. Bêtement, faire un somme.
Je finis par traverser le passage piéton comme le mors traverse la bouche du cheval, pour mieux le conduire. La nuit, jument, je prends des freins à travers la plaine ; j’ai dans les bottes des montagnes, des questions qui subsistent encore statu quo. Oh, voilà qu’à nouveau je fais mentir les mots, à l’évidence des interprètes. Je projette sur eux la lumière que je puise. J’épuise mon ombre aussi, peut-être. Quelques hommes promènent leur chienne de vie comme elle les aura promenés tout le jour. J’ai envie de les suivre. Leur tenir compagnie. Qu’ils m’accompagnent en retour. Cependant, la chaussure est pleine, les preuves tenaces : je commence à laisser des traces de sang quand je marche. Les pansements se décolleront à nouveau dans mon sommeil. Les chiens aboient à mon approche : ils ressentent la chute de la pression atmosphérique bien avant l’orage, vous savez. Ils flairent la tempête à venir. La queue entre les jambes, ils me cèdent le passage alors que je ne suis pas visible. Invisible comme les étoiles en ville. Disons blanche comme un linge. Une peau réversible. Un tissu de mensonges et de bonne facture.
Les clefs tintent ; ce seront les dernières notes de cette complainte. Enfin enlevées, ces foutues chaussures ! Mes pieds sont couverts d’ampoules. L’interrupteur va-et-vient me rappelle que douilles et baïonnettes sont vides. La lune s’apprête à décroître, elle est comme posée sur mon épaule, un perroquet qui répète toujours la même chose. Ça souffle dehors. Ça repousse encore un peu plus loin la pluie. Je tire les rideaux et le drap jusqu’à la taille : je crains autant le courant d’air que le retour de flamme. Les paupières se décolleront à nouveau dans mon sommeil. Il est déjà demain et c’est encore la veille. Je projette sur la nuit toutes les miennes.
Cette nouvelle figure dans le cinquième numéro de la revue Pourtant : “Je mens”
Ah, l’évidence ! Eh bien, à l’évidence, c’est un coup de massue, sinon un couperet, comme on peut difficilement l’éviter ; elle tombe là, on dit même juste sous nos yeux. Et sous les yeux, si je ne m’abuse, il y a le tronc, les racines et pas mal de branches encore. Auxquelles se raccrocher ! Voyez donc comme la nature est bien faite.
Moins brutal, le coup d’épée, lui, ne frappe guère ailleurs que « dans l’eau » — évidemment juste pour m’éclabousser.
Dans le fond, que reprocher au couteau dans la plaie ? N’avez-vous jamais, avec sa pointe, vérifier la cuisson d’une viande pour ne point vous y casser les dents une fois encore ? C’est pourtant une technique vieille comme le monde, transmise de génération en génération.
La moitié du bras, le nez et trois cils dans le four où fomentait le gâteau encore tiède du mercredi, ma mère disait d’ailleurs : « Il faut enfoncer le couteau autant de fois que nécessaire, tu vois, jusqu’à ce que la lame n’accroche plus et ressorte toute propre comme ça, alors seulement on sera sûres : C’est cuit maintenant. »
Depuis que je suis en âge de cuisiner seule et toucher aux maniques, je n’ai cependant jamais eu de four. Je lui ai tout naturellement préféré le moulin et, jusqu’à présent, je dois dire que le gâteau s’en porte bien : toujours tiède et sans un grumeau. Autrement dit, c’est une affaire qui tourne ! Dans l’assiette, la crème chantilly fond allégrement sur le chocolat dont le dessus craquelle à souhait, comme la couche de sable craque sous les pieds une fois l’orage figé par le soleil.
Chacun y va de sa petite prédiction s’agissant du Nouvel An chinois, mais voilà tout bêtement ce que je présage : l’année du Lièvre sera la plus à même de vous poser un lapin.
Enfin ! quittons un peu la ménagerie du zodiaque et revenons à nos moutons, à savoir qu’un cygne ayant la chair de poule est aussi le signe avant-coureur d’une basse cour.
Et comme dirait la Tordue : Rien ne sert de croupir, il faut se départir à point.
Grâce au talent de ce cher Poupard à deux têtes, quatre mains et autant de pistes à cassettes, la Fille de l’été est un refrain désormais, sinon un tube-à-fête, disons qui reste en tête (d’après RTL2, Nostalgie ou Les Inrocks, je ne sais plus). Toujours est-il qu’elle porte le numéro 7 et s’est glissée comme un syngnathe entre Isabelle Huppert et Fermeture dans leur album Cérémonie Malgache. (On peut l’écouter en boucle sans crainte de mal tourner — sur Spotify & Bandcamp)
Tiens, si je faisais d’une pierre mot compte double pour une fois ? C’est le moment de dire que j’ai aussi participé au clip de Tête Basse, où j’ai pu fumer à l’envi des Mademoiselle tout en jouant avec des lettres et quelques accessoires très personnels, que demander de mieux pour achever décembre la tête moins lasse ? Alors merci Poupard, de m’avoir offertmon premier rôle en tant que Houle Slave – grand rôle de composition s’il en est.
Un peu plus et je manquais à tous mes devoirs en cette nouvelle année ! Mais il est encore temps pour les vœux comme le rappelle sciemment la coach de Madame le Figaro : La fourchette s’étend sur l’ensemble du mois de janvier ; fin décembre, c’est trop tôt mais le 1er février, un peu tard. Ah, la ponctualité ! Un juste milieu si fugace entre trop d’avance et ce loupé.
Je ne suis pas coach pour un sou, mais je ne crois pas me tromper en avançant qu’être à l’heure peut procurer une joie similaire à celle de planter la dent de sa fourchette pile au cœur du dernier petit pois, arrêtant ainsi – ce n’est pas trop tôt ! – sa course folle à équidistance des bords de l’assiette plate comme une pagaie, ou encore le capuchon de ces tubes à bulles de savon ; capuchon dans lequel se cachent souvent une bille et son labyrinthe, faisant de ce tube un cadeau doublement divertissant et triplement économique puisqu’on peut le réutiliser ensuite en y mettant une autre solution, qui finira elle aussi par éclater au visage. (Entre-temps, il est possible que votre petit pois, ainsi brinquebalé dans tous les sens des aiguilles d’une montre, soit devenu verdâtre : signe qu’il faudra moins tergiverser la prochaine fois.)
A ce propos, vite vite vite, les vœux ! Et que puis-je vous souhaiter sinon que tous vos rêves deviennent, alités, aussi solubles que la chicorée, un soupçon de vitamines alphabet et quantité de remèdes un peu trop ronds pour être honnêtes, mais si bien dissous dans la popote ou la pâtée qu’on en mangerait.
Et pour ma part, de continuer ici à vous présenter mes meilleurs succédanés.
En raison de dysfonctionnements regrettables, le géant de l’ameublement IKEA rappelle à l’ordre certains miroirs baptisés LETTAN.
Le temps que je me fixe encore un peu… laissez-moi jeter un œil – le plus vif – à l’étendue du problème : pas une seule zone d’ombre. Ma foi, oui, j’ai plutôt bonne mine, le teint uniforme et lumineux… Attendez voir, je suis méconnaissable ! ça non, ce n’est pas moi : vous avez raison, il ne marche pas du tout votre miroir, le tain est mal fichu. Embarquez-le donc !
Les clients peuvent commander gratuitement de nouvelles fixations murales, a déclaré l’entreprise ce jeudi, et c’est la moindre des choses, mais est-ce bien suffisant pour me faire tenir en place ?
Loin de moi l’idée d’en rajouter une couche maintenant que j’ai enfin tourné la page de ce millefeuille de fibres creuses, et pu alléger mon dos de quelques kilos de mailles, mais je ne suis pas peu fière d’annoncer aujourd’hui que ma résistance au froid n’a de limite que la longueur du câble de ma couverture électrique (dotée d’une rallonge). En peu de mots (et seulement quelques semaines), j’ai tant gagné en souplesse mentale que je n’ai plus rien à envier au flexible de douche !
Alors ce ne fut pas vain, ces inventifs scenari de pannes et de fuites, ces longues semaines congelées à faire ma cosette sans trop causer — mon teint livide et mes lèvres bleutées auront enfin parlé à ma place. De là à dire que je ressors grandie de cette mise en situation en milieu de précarité énergétique, c’est peut-être excessif ; mais grandement calée en grog, gnôle et grappa, voilà qui est indiscutable !
La dolce vita n’est autre qu’une douche à l’italienne, sinon une baignoire acrylique aux joints noircis par la moisissure, ainsi récurent-ils heureux et jamais l’eau n’a paru si douce. A la bonne heure, le chapitre est clos — j’aurai donc fini par en écrire un, proprement ivre qui plus est !
Après deux mois de silence total – force est de constater que j’avais fini par le croire immortel –, les radiateurs seraient à nouveau en état de marche. En fait, de nuire. On ne les aura pas assez purgés, et c’est moi qui suis au purgatoire désormais ! Piégée à mon tour tel un borborygme dans leur sinueuse tuyauterie, condamnée à supporter leurs râles et cette maudite déglutition aussi régulière que la goutte dans le vase.
C’est bien simple, depuis que j’ai assez chaud (presque trop), il semblerait que je doive cohabiter avec un chat qui salive bruyamment devant sa gamelle quand il n’est pas affairé à sa toilette méthodique, voire un ours à la prostate encore compétitive faisant avec grande désinvolture la petite commission partout dans la maison. Ou peut-être s’agit-il d’une femme dont la vessie capricieuse se libère avec fracas par un pisse-debout, est-ce que je sais encore ! Moi, je ferme les yeux quand j’essaye de dormir ! Mais ici quelque chose circule et cherche à le faire savoir. Eh bien, pour tout avouer, je préférais encore m’entendre claquer des dents.
Voilà combien de jours, voilà combien de nuits, à se demander quand reviendra la panne. Dis, au moins le sait-elle ?
Il n’a pas réinventé l’eau chaude sans en mettre un peu plus tôt dans le gaz, ça soûle de course !
Cependant, deux épis implacables prennent encore de l’altitude, pensant dénicher au plafond un brin plus de chaleur, laquelle s’est déjà donné bien du mal pour monter aux joues… Ou bien – et c’est fort probable – n’ont-ils pas les intentions que je leur prête depuis le sommet de mon crâne, et c’est simplement le souvenir du grand froid qui les hérissent déjà.
Toujours est-il que dans mes pensées, la température ambiante ne descend jamais en dessous de 40 degrés. C’est vraiment le minimum quand on est du genre frileux.
L’année s’ouvre à l’instar du robinet d’eau chaude laquelle se livre enfin sans réserve ! se précipite et puis m’entraîne dans sa chute haute pression cramant la carne bleue à cœur disons mi-cuite ainsi délivrée du givre — voir à nouveau la danse pudique des essuie-glaces
Mais la trombe calcaire fatalement décape et pour finir rouvre les crevasses des phalanges encore agrippées au thermo- statique comme le froid s’attrape jusqu’à l’os et n’en démord pas
De Dietrich, non pas Marlene de son prénom — née bilingue en 1999, issue d’un milieu urbain, par là même du genre City et peu silencieux, aussi de type caucasien et d’apparence solide, pesant à vide environ 62 kilos ; ayant présenté de grands signes de faiblesse dès le 28 octobre, alternant pics de température et hypothermie sévère ; déclarée en état de panne totale le 12 novembre et, d’un commun accord refusant l’acharnement thérapeutique, finalement débranchée le 2 décembre à 17h24 ; tuyauterie à l’air ainsi conservée jusqu’au 27 dans la cuisine mortuaire, précisément au-dessus du freezer qui part à vau-l’eau, dégivrant par solidarité j’imagine ; enfin prête à partir et balancée dans la benne parmi d’autres encombrants pour finir incinérée, reconditionnée, traînée aux gémonies sinon aux oubliettes, chacun croit bien ce qu’il veut… moi, ce que j’en dis… — une certaine De Dietrich donc, et ce malgré la particule nobiliaire, sera le dernier cadavre de cette année franchement pas si ignoble quand on compartimente.
À cette heure le thermostat d’ambiance indique 21 degrés et, en ce qui me concerne, je revis.
Ho ! ho ! ho ! Mais qu’est-ce que j’entends ? Un Père Noël rit en se tenant les côtes, de peur qu’elles ne transpercent ses ventres rembourrés, le faux par-dessus le vrai.
Attablé au bar à raclette le plus proche de son large fauteuil — il y a de la place pour deux là-dedans mais c’est quand même dans l’un des plis de son épais pantalon de costume taille unique que le prochain morveux, sans jamais se déchausser, trouvera la place idéale sinon un trampoline trop rigolo —, il prend enfin sa pause et son téléphone. Et de s’esclaffer alors en voyant le nombre de vues de sa dernière vidéo visible sur TikTok ! Il le savait bien, qu’il était destiné au tout petit écran ! Haches-tag et coups de massue, performances sur chaise haute, prestations intergénérationnelles, flasques mob et gestes bien tendus, reprises, parodies, tutos… En un mot, c’est le buzz ! Oui, « À dada sur mon bidet » fait fureur, vous entendez ?!
Et qu’on se le dise, se faire une place dans le paysage chorégraphique français, on n’y arrive pas les doigts dans le nez — du moins pas les siens. Pour en arriver là, combien d’enfants touche-à-tout a-t-il dû faire grimper sur ses jambes, et trotter sur les cuisses, et retomber sur leurs fesses, et puis basculer vers l’avant, et retenir par le ventre en priant pour qu’ils ne dégobillent pas sur ses chaussures pointure 40, enfin rebasculer vers l’arrière, cette fois en soutenant leur nuque et ses pauvres reins… C’est qu’il ne faut pas manquer de ressort pour ainsi tendre une perche toute la sainte journée et filmer sous tous les angles cette ribambelle de gamins comme une pile instable de minicrêpes sautillantes (parfois une omelette bien baveuse) ; le tout en gardant son calme et le souci du cadrage ! Mais voilà, c’est lui désormais qui caracole en tête des tendances.
En fin de compte, ça valait la peine de se faire constamment tirer le portrait et puis la barbe — la fausse, sous laquelle la vraiment mal taillée. Et de commander un autre verre de morbier, allez, il faut fêter ça ! c’est sa tournée : shots d’abondance pour tous les mange-debout, et que ça saute !
Le miracle est un marché de niche. D’ailleurs, je ne serais pas étonnée de le voir bientôt, jouant des coudes, se faire une petite place dans l’enfilade de chalets adorables où les douces épices de Noël – c’est-à-dire du pinard bien chaud – se mêlent aux microbes de saison, qui crachinent localement sur les immenses gamelles de tartiflette et d’aligot.
Puisse le ciel lui tomber sur la tête avant la pyramide de tourtons !
D’abord incognito entre deux rangées de fausses bougies « effet cire fondue » ou « flamme vacillante », on le surprendrait ensuite à faire son trou, et pourquoi pas dans ce charmant cabanon qui sent déjà fort le saint-nectaire ? ou bien même dans le cœur de la meule en train de fondre à l’instar des badauds qui se pressent autour du brasero, attendant que leurs diots finissent eux aussi de rendre leur graisse.
il n’a pas la lumière à tous les étages mais presque
même qu’au deuxième, deux silhouettes passent – deux vents devant la fenêtre et de bons moments en tête-à-tête avec un passe-temps
abat-jours, guirlandes et lampions bougies LED et fières chandelles toute cette lumière d’ambiance me briserait le cœur en mil pampilles comme lustre tombé du plafond s’il n’était déjà suspendu le temps du grésil – froide saison bien à l’ombre dans sa housse tandis que d’autres mailles fines filent un mauvais coton pendues encore au cou de l’immeuble poivre et sel gris grésillant comme transi store comme l’ampoule quasi clac
La qualification des bleus que tu as sous les côtes et sur la tête est à mon sens un peu bête voire con tuse comme tu as pris l’air pile à la mauvaise heure voilà pourquoi tu as l’air maintenant d’avoir passé un sale quart- temps et que ton visage est pareil au cours Jean Jaurès : un sfumato tricolore black-blême-beurre noir de coup e du monde
il est 23h00 tapantes
Dès que les klaxons auront cessé, je ferai dans ma tête résonner les poèmes qui manquent souvent leur but, ce qui est sage
Vingt-quatre fois par jour, me semble-t-il, il y a deux zéros pour l’heure pile et personne n’en fait toute une histoire ! c’est, pour le coup franc hement dommage
à l’approche des fêtes les transports sont pleins à craquer tes phalanges aussi tes bas de laine enfin mes lèvres qui tirent sur les rênes et puis seules s’emballent